
Enquête:
Créée en 1994 par le fondateur de
Microsoft, la Fondation Bill et Melinda Gates gère un capital de 33,5
milliards de dollars pour financer ses projets “philanthropiques”. Un
joli pactole investi à hauteur de 23 millions de dollars dans l’achat de
500 000 actions de Monsanto, comme le révélait la Fondation en août
2010. Acquisition aussitôt dénoncée par le mouvement international Via
Campesina1. Gates-Monsanto, union entre deux monopoles des plus cyniques
et agressifs : 90 % de la part de marché de l’informatique pour la
premier, 90 % du marché mondial des semences transgéniques et la
majorité des semences commerciales du monde pour le second. Négation
même du fameux principe du capitalisme de “concurrence de marché”.
Désormais, la Fondation Bill et Melinda
Gates utilise son influence sur les politiques mondiales de
développement agricole, et incite paysans et agriculteurs à utiliser les
semences et produits agrochimiques génétiquement modifiés de Monsanto.
Si doute il y avait, il n’est plus de mise. La Fondation Gates vient de jeter clairement le masque de la “philanthropie”.
Pour mieux conforter son
emprise, la Fondation Gates a engagé en 2006 une collaboration avec la
Fondation Rockfeller, “fondation caritative” privée dotée elle aussi
d’un statut fiscal privilégié et fervent promoteur des OGM à destination
des populations pauvres.
Ces deux grands humanistes se sont donc
alliés pour mettre en oeuvre l’Alliance for a green revolution in Africa
(Agra)2, “Alliance pour la révolution verte en Afrique”, qui est en
train d’ouvrir le continent aux semences OGM et aux produits chimiques
vendus par Monsanto, DuPont et Dygenta.
Selon La Via Campesina, environ 70 % des
bénéficiaires de l’Agra au Kenya travailleraient directement avec
Monsanto et près de 80 % des financements de Gates dans le pays seraient
dédiés aux biotechnologies, terme délicat auréolé d’esprit scientifique
pour signifier les OGM chahutés par de mauvais esprits. Sans état
d’âme, Monsanto réserve une part importante de son budget au financement
des procès motivés par la toxicité de ses produits.
Son fameux agent orange, faut-il le
rappeler, utilisé durant la guerre du Vietnam par les armées US,
continue aujourd’hui encore ses effets sur les populations. Et son
herbicide, le Roundup, représente un véritable danger maintes fois
démontré, pour les humains et les générations futures, les animaux
domestiques, la faune et l’environnement.
La Coalition du Kenya pour la
biodiversité commentait sans détour : “Agra est un poison pour nos
systèmes de production et moyens de subsistance. Sous la bannière
philanthropique du développement agricole, l’Agra finira par ronger le
peu qui reste de l’agriculture durable en Afrique.”
En Afrique du Sud, pour citer un
exemple, le maïs génétiquement modifié a produit peu ou pas de graines
en 2009, et des centaines d’agriculteurs ont été touchés, jusqu’à 80 %
de leurs récoltes pour certains. Et si Monsanto a compensé les
agriculteurs d’une certaine importance qui avaient acheté des produits
défectueux, il n’a rien donné aux plus modestes qui avaient reçu
gratuitement des sachets de mauvaises graines.
Encore un bel exemple de cynisme et de
mépris pour les plus faibles. En 2008, 30 % du fonds de développement
agricole de la Fondation Gates a servi à la promotion et au
développement des variétés de semences OGM. Ce qui donne une idée des
milliards générés et de l’intérêt des nouveaux marchés.
Sous couvert de dévouement humanitaire
et grâce notamment à ses liens avec la Fondation Rockfeller, la
Fondation Bill et Melinda Gates ouvre donc de nouveaux marchés à
Monsanto.
Et comme ce n’était pas encore assez, la
Fondation Bill et Melinda Gates s’est adjoint les ministres des
Finances des USA, du Canada, d’Espagne et de Corée du Sud. Cette belle
brochette a promis 880 millions de dollars pour créer un programme
mondial sur l’agriculture et la sécurité alimentaire, Global agriculture
and food security program.

Le mois précédent, Monsanto faisait part
de son intention de donner 475 tonnes de semences à Haïti… distribuées
par l’Usaid, Agence américaine pour le développement international qui a
soutenu les pires dictatures (Haïti : le cadeau mortifère de la société
Monsanto, Golias Hebdo n°136, juin 2010). Petit détail qui en dit long :
l’administrateur d’USAID, Rajiv Shah, travaillait auparavant pour la
Fondation Gates, avant d’être recruté par le gouvernement américain en
2009. Et si on ajoute que Rob Horsch, ancien vice-président de Monsanto
pour le développement international, est actuellement directeur du
programme de développement agricole de Gates, on aura une idée des liens
qui relient tout ce petit monde.
Ce “cadeau” de Monsanto à Haïti
ressemble à s’y méprendre à une action de marketing bien rodée soutenue
au plus haut niveau. Généreuse en diable, la Fondation Bill et Melinda
Gates octroie également des fonds à Feed the Future, gérée par le
gouvernement étasunien, qui pourrait se résumer par la recherche de
nouvelles ouvertures pour les entreprises US.
Et s’il était utile de préciser
davantage, le vice-président de Monsanto, Gerald Steiner, devait
affirmer que “Feed the Future était une entreprise très intéressante,
qui tient compte des impératifs du marché dans lequel Monsanto et
d’autres compagnies doivent opérer”.
Pour Haïti, déjà victime du séisme du 12
janvier 2010 (Haïti : les arrière-plans d’un séisme annoncé, Golias
Hebdo n°122, mars 2010), du déferlement des mercenaires de la foi
(Comment la scientologie prospère sur les ruines d’Haïti, Golias Hebdo
n° 139, juillet 2010) et d’une épidémie de choléra, l’aide humanitaire a
de curieux accents.
Les semences Monsanto ? Seule la
première génération est fertile et il est impossible de réensemencer les
champs à partir de ces graines. Pour continuer, reste à acheter
régulièrement de nouvelles graines à Monsanto.

D’après l’Onu, 75 % de la diversité
génétique des plantes du monde a disparu à mesure que les paysans
abandonnaient leurs semences natives pour utiliser les variétés
génétiquement modifiées. La Via Campesina, pour sa part, maintient que
la meilleure façon d’assurer une alimentation saine, de revitaliser les
économies rurales et de mettre en oeuvre des politiques de souveraineté
alimentaire est l’utilisation des semences natives.
L’homogénéité génétique rend les paysans
plus vulnérables aux changements climatiques brusques, au contraire des
semences natives adaptées aux différents microclimats. Une prise de
conscience s’affirme, ponctuée notamment par le documentaire sur les
méfaits des produits Monsanto diffusé le 3 juin 2010 dans la salle
paroissiale de l’église catholique de Hinche (Haïti), à l’inititative du
Mouvement paysan Papaye.
Le blé, base traditionnelle de l’alimentation des deux tiers des habitants de la planète, n’est pas à l’abri.
Des chercheurs britanniques viennent de publier cette année une ébauche
de son génome, “étape pour améliorer la production de cette céréale clé
de l’alimentaiton mondiale”. Les génomes du riz, du soja, du maïs
avaient été séquencés, mais pas le blé qui éveille dès à présent de
nouveaux appétits. Monsanto se frotte déjà les mains… L’idée était dans
l’air, puisqu’en 2008, la Fondation Bill et Melinda Gatesavait attribué
la somme de 26,8 millions de dollars à l’université de Cornell (état de
New York) pour des recherches sur le blé et 1,6 million de dollars aux
chercheurs de l’état de Washington pour développer des variétés de blé
OGM résistant à la sécheresse.
La Fondation Rockfeller a investi pour
sa part plus de 100 millions de dollars ces trente dernières années dans
la recherche génétique. Et comme on n’est jamais assez prévoyant pour
amasser encore plus, Monsanto, les fondations Gates, Rockfeller et
Syngenta (multinationale basée en Suisse, spécialisée dans les OGM et
les semences agroindustrielles) participent à coups de millions de
dollars dans la construction d’une banque des semences, dans l’archipel
norvégien de Svalbard.
Il est prévu d’y stocker jusqu’à trois
millions de variétés de semences provenant du monde entier afin de
“garantir la préservation de la diversité des produits agricoles pour le
futur”. Ces semences sont pourtant déjà protégées, en plusieurs
exemplaires, dans différentes banques de semences qui existent dans le
monde. Mais en cas de catastrophe climatique, il suffira de les vendre
très cher aux agriculteurs. “Nous voulons faire le bien dans le monde,
mais nous voulons aussi satisfaire nos actionnaires”, déclarait
dernièrement Gerard Steiner, de Monsanto. On le croit volontiers dans sa
volonté de satisfaire les actionnaires. Quoi qu’il en coûte à
l’équilibre de la planète et peut-être à sa survie.
Eva Lacoste
1. Via Campesina : 150 organisations, 70
pays, cinq continents. Mouvement international, il représente les
paysans, les travailleurs agricoles sans terre, les pêcheurs, les
paysannes, les jeunes et les peuples autochtones.
2. Le conseil de l’Agra est présidé par
Kofi A. Annan, ancien secrétaire général des Nations-Unies. Le président
est le A. Namanga Ngongi, ancien directeur génénral adjoint du
Programme mondial pour l’alimentation des Nations-Unies. L’Agra
travaille notamment avec le soutien de la Fondation Rockfeller et de la
Fondation Bill et Melinda Gates, du Département pour le Développement
International du Royaume-Uni. Se reporter au site www. agra-alliance.org
ou tout ce qui n’est pas dit explicitement sur les nouvelles voies pour
améliorer les cultures africaines.
Article publié dans le numéro 160 Golias Hebdo semaine du 25 novembre au 1er décembre 2010
Le crime organisé
Le rapprochement Gates Monsanto annonce
le mariage entre deux monopoles parmi les plus cyniques de la période
contemporaine et démontre une fois de plus l’alliance du pouvoir et de
l’argent.
Derrière l’image d’une société propre et
verte décrite par la propagande publicitaire et les grands discours, un
projet hégémonique qui menace la sécurité alimentaire de la planète et
son équilibre écologique. Véritable machine de guerre qui dispose de
nombreux moyens de pression, sait jouer de la corruption et n’hésite pas
à se débarrasser de ses opposants d’une manière ou d’une autre.
Défavorisés par des échanges
internationaux inéquitables, l’accaparement des terres et la production
d’agrocarburants, les pays du Sud sont l’objet de nouvelles pressions
qui illustrent la logique implacable des grandes multinationales.
Dévastée par un tremblement de terre,
abattue par le choléra, Haïti fait l’objet d’“attentions” qui ne
pourront que conforter malnutrition, maladies et violences.
Le détournement de l’aide humanitaire à
des fins commerciales et la privatisation des politiques alimentaires
est certainement un des plus grands scandales actuels. Au risque de
nouvelles déstabilisations, sous le regard complice des grands Etats et
des organismes internationaux.
Habitués à dicter leur loi aux
gouvernements, Monsanto, Gates, Blackwater et alliés avancent comme un
rouleau compresseur à l’assaut du monde et de ses habitants. Jusqu’à
quand ?
Golias
Article publié dans le numéro 160 Golias Hebdo semaine du 25 novembre au 1er décembre 2010
Véritables machines de guerre : Blackwater, Monsanto, Gates
Dans une entreprise comme Monsanto, quelques gros bras ne sont pas inutiles.
La plus grande armée de mercenaires du
monde, la compagnie Blackwater (ajourd’hui appelée Xe Services) agit
pour son compte, et par conséquent pour celui de ses alliés. C’est ce
que révélait l’article de Jeremy Scahill, Blackwater’s Black Ops, “Les
opérations secrètes des Blackwater”, paru dans l’hebdomadaire américain The Nation du 15 septembre 2010.
De nombreux militaires et anciens
officiers de la CIA travaillent pour Blackwater, bien connue pour ses
massacres de civils en Irak, spécialiste de l’information, du
renseignement et de l’infiltration, jusqu’au lobbying politique et la
formation paramilitaire. Selon Scahill, les affaires avec les
multinationales comme Monsanto, Chevron, deuxième compagnie pétrolière
US, les géants de la finance comme Barclays et Deutsche Bank, sont
conduites par deux sociétés appartenant à Erik Prince, fondateur de
Blackwater en 1997 et actionnaire majoritaire : Total Intelligence
Solutions et Terrorism Research Center, dont les fonctionnaires et
administrateurs ont en commun Blackwater. Directeur de Total
Intelligence et homme de la CIA connu pour sa brutalité, Cofer Black
était entré en contact avec Monsanto en 2008 pour espionner et infiltrer
les organisations de militants des droits des animaux et des anti-OGM.
L’actualité américaine liée aux
élections sénatoriales incite à un petit arrêrt sur la personnalité
d’Erik Prince. Né en 1969 à Holland dans le Michigan, au sein d’une
famille très fortunée, Erik Prince passe notamment par le très
conservateur Hillsdale College, fait campagne pour la candidature
présidentielle de Pat Buchanan, concurrent de droite de George Bush
père, et intègre le Family Research Council de Gary Bauer, mouvement
ultra conservateur dédié “aux valeurs de la famille”.
Erik Prince fait partie du Conseil
secret de la politique nationale, club très fermé d’une centaine de
conservateurs industriels, hauts fonctionnaires ou personnalités des
médias. Fondamentaliste affirmé, il est tout naturellement un ferme
soutien du Parti républicain. L’une de ses soeurs a été secrétaire
générale de sa section locale du Michigan à deux reprises, et son époux
n’est autre que le PDG d’Amway Dick DeVos, personnalité républicaine et
fils du très riche Richard Devos dont Forbes chiffrait en 2007 la
fortune à 2,4 milliards USD. Dans un tel contexte, on a comme une petite
idée des contre-pouvoirs en action aux Etats-Unis.
Article publié dans le numéro 160 Golias Hebdo semaine du 25 novembre au 1er décembre 2010
Révolution verte la couleur du dollar
“Révolution verte”, verte comme la
couleur du dollar, remonte à février 1945 au Mexique, lorsque la
conférence panaméricaine de Chapultepec définit les nouvelles bases de
l’ordre mondial et met en place l’hégémonie économique des USA. Poste
avancé de l’empire US, la Fondation Rockfeller installe au Mexique un
centre de recherche agronomique et développe des variétés “améliorées”
de céréales avec l’aide de Henry A. Wallace, fondateur de Pioneer
Hi-Bred Seed Company, première entreprise mondiale de semences de maïs
F1 (rachetée ensuite par DuPont, géant de la chimie). Wallace a été
également ministre de l’Agriculture de 1933 à 1940 et vice-président des
USA en 1940.
La révolution verte a été vendue à
l’opinion publique comme la solution pour résoudre les problèmes de la
faim dans le monde, à commencer pour les pays test, Mexique, Inde,
Philippines… Comme l’ont démontré par la suite les analyses économiques
et politiques, la “Révolution verte” n’a été rien d’autre qu’une
opération marketing permettant de développer une activité mondiale
d’agrobusiness qui permettrait à Rockfeller de détenir une position de
monopole comme l’avait fait dans l’industrie pétrolière US le grand-père
Rockfeller.
Si l’année 1961 voit le triomphe de
l’élite globaliste dans son rêve de contrôler l’alimentation des
peuples, une voix discordante se fait entendre. Deux ans avant son
assassinat (1963), John Kennedy commence à remettre en question la
dictature des cartels de l’agrochimie. Sans doute influencé par
l’ouvrage de Rachel Carson, Printemps silencieux, qui a sensibilisé
l’opinion américaine aux problèmes environnementaux.
E. L.
Un article de http://www.votresante.org/
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