Un jour, j’irai vivre en Théorie parce qu’il paraît qu’en Théorie, tout va bien. (Les mots surpendus)

jeudi 1 décembre 2011

Où sont les 9 000 milliards de la FED ?

9000 milliards de dollars égarés dans la nature par la Réserve Fédérale américaine. Une inspectrice générale de la FED bafouillant devant les questions d’un député démocrate. Des médias sourds muets, pendant que la blogosphère dénonce un nouveau scandale du capitalisme. Décryptage d'un buzz vidéo riche en contre-vérités, où l'opacité du système financier nourrit tous les fantasmes.


9 000 MILLIARDS $ ont disparu de la FED Federal... par Diaspowa
D’où sort cette vidéo ?
Tout d’abord, une précision s’impose pour les web-sceptiques : le document en question n’est pas un fake. La vidéo a été postée à l’origine sur le compte Youtube du député démocrate Alan Grayson, le 6 mai 2009, et a été également exportée sur son site officiel. On y voit Grayson interroger Elizabeth Coleman, Inspectrice générale de la Réserve fédérale (FED), à propos des "trillion dollars" (1 trillion = 1000 milliards de dollars) prêtés ou dépensés par la FED, ainsi que sur ses dépenses hors bilan. La vidéo approche désormais les 2 millions de vues sur YouTube. Une version sous-titrée en français a-t-elle été postée fin juin sur Dailymotion, enflammant à son tour le web francophone.

9 000 milliards envolés ?
Alors que le titre original de la vidéo de Grayson était "Alan Grayson: Is Anyone Minding the Store at the Federal Reserve ? (est-ce que quelqu’un surveille la boutique à la Réserve fédérale)", les traductions françaises ont pris un raccourci tentant en évoquant "9 000 milliards de $ égarés par la réserve", de l’argent "disparu", voire des milliards "envolés (ou volés)". Un chiffre qui ferait passer la fraude de Bernard Madoff(65 Mds$) pour un vulgaire vol de bonbons. Et Jérôme Kerviel et ses 4,82 Mds€ pour un mendiant…

Reste que c’est une interprétation légèrement fantasmée de l’échange entre Grayson et Coleman. Car si l’attitude gênée de l’Inspectrice de la FED et sa propension à noyer le poisson sont effectivement troublantes, le député ne prétend à aucun moment que ces milliards aient pu être détournés vers une destination obscure. Il demande en revanche à plusieurs reprises l’identité des bénéficiaires de ces sommes astronomiques, s’offusquant que la FED ne soit pas en mesure de répondre à des questions apparemment simples.

A quoi correspondent les sommes évoqués dans la vidéo ?
Alan Grayson évoque dans un premier temps le chiffre de 1000 Mds$. "Cela correspondent à la variation du bilan de la Réserve fédérale qui est passée de 1000 à 2000 milliards entre avant la crise financière et maintenant", a expliqué à Fluctuat Christine Rifflard, économiste à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). "C’est dans le bilan de la FED, et ça représente toutes les opérations qu’elle a réalisées pour alimenter les marchés financiers en liquidité. De ce point de vue là, il n’y pas d’éléments anormaux."
Arrive ensuite le chiffre mammouth de 9 000 Mds$ de crédit que la FED aurait accordé. Chiffre qui provient d’un article du site bloomberg newsdatant de… février 2009. Les auteurs y affirmaient que le "stimulus package mis en place par le Congrès ferait grimper l’investissement du gouvernement à hauteur de 9 700 Mdsquot; (depuis mis à jour par bloomberg à 12 700 Mds$).

Un somme qui comprend les mille milliards du plan de relance américain, les 3 000 M$ dépensés ou prêtés ces deux dernières années, plus 5 700 Mds$ en garanties diverses. Précisons aussi que la Réserve fédérale ne prend pas seule en charge ce montant, mais le trio formé par "le département du Trésor, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) et la Fed", toujours d'après l'article de bloomberg cité par Grayson.

Pas étonnant que les spécialistes restent perplexes quand on leur évoque ces 9 000 milliards portés disparus. "Quand on parle des 9 000 Mds$, c’est énorme", analyse Christine Rifflard. "Ça correspond à plus 60% du PIB américain et presque trois fois le montant du bilan de la réserve fédérale. C’est astronomique. Il y a un problème d’échelle."
Pour l’économiste, ce pactole "représente des sommes qui n’ont pas été débloquées, donc une grande partie des mesures sont destinées à couvrir des crédits, ce sont des garanties en cas de problèmes. Si le risque ne se manifeste pas, les sommes ne sont pas utilisées. Il faut aussi voir que la Fed a émis beaucoup de prêts à très court terme, sur des périodes de trois mois, qui ont été remboursés."

Circulez, il n’y a rien à voir ?
Pas tout à fait. Une fois qu’on a mis au clair ces histoires de "trillion dollar" égarés (ou pas), reste la question de l’opacité de la FED, le vrai thème de la vidéo. En septembre 2008, Ben Bernanke, le boss de la FED, et Henry Paulson, alors secrétaire du Tresor, avaient répondu favorablement à la demande de transparence du Congrès américain. Demande qui est restée lettre morte, malgré les promesses d’une régulation du capitalisme renouvelées par les dirigeants de la planète à l’occasion du G20 de Londres qui se tenait en avril 2009.
Une situation qui a permis au républicain libertaire Ron Paul (71 ans), ennemi juré de la Réserve fédérale, de revenir sur le devant de la scène avec une proposition d’amendement permettant au Congrès d’auditer la FED. Position redevenue très tendance ces derniers mois.
"Ce que je veux, c’est savoir ce qu’ils font", tonnait récemment le grand pourfendeur de l’interventionnisme et du fédéralisme. "Ils peuvent créer de l’argent à partir de rien, font des promesses et donnent des garanties à des entités privées, des banquiers internationaux, d’autres gouvernements et d’autres banques centrales. Nous avons le droit de savoir exactement ce qu’ils font". "Il suffit d’aller sur le site de la Réserve fédérale pour constater qu’elle est plus transparente, par exemple, que la Banque Centrale européenne", assure pourtant Christine Rifflard.
Une ex d'Enron à la FED...

L’amendement en question, intitulé HR 1207 ou "Federal Reserve Transparency Act of 2009", a reçu pas moins de 271 soutiens de la part des élus du du Congrès, dont Alan Grayson et un tiers de démocrates. Même si aucun d’eux n’ira jusqu’à réclamer un retour de l’indexation du dollar sur le cours de l’or, vieille lubie de Paul. Celui qu’on surnomme "Dr. No" n’a pas encore eu gain de cause. Mais commence à sérieusement inquiéter la FED et son boss Ben Bernanke, honni par l’opinion publique et pas assuré de voir son mandat renouvelé en janvier 2010.
"Si le GAO (organisme chargé de réaliser des audits pour le Congrès, NDLR) émet des jugements sur les politiques que nous avons mises en place, cela signifierait une prise de pouvoir du Congrès et une répudiation de la Réserve fédérale qui serait hautement destructrice pour la stabilité du système financier, le dollar et notre situation économique nationale."
Pas sûr que les implorations de Bernanke, auditionné par le Congrès les 21 et 22 juillet 2009, réussissent à convaincre les parlementaires et sénateurs AMÉRICAINS, qui surfent à fond sur la méfiance de leurs électeurs. Pas plus que la dernière décision de la FED, qui a engagé Linda Robertson, une ancienne lobbyiste d’Enron (société au cœur d’un énorme scandale après sa faillite en 2001), pour améliorer ses relations avec les représentants du peuple.
Source: fluctuat.net
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