Un jour, j’irai vivre en Théorie parce qu’il paraît qu’en Théorie, tout va bien. (Les mots surpendus)

jeudi 17 octobre 2013

Un calendrier déraisonnable



Nous apprenions ce matin, dans le Journal de Montréal, que l’école Évangéline, de la CSDM, était en pédagogique pour « accommoder » les élèves musulmans qui fêtent aujourd’hui l’Aïd-el-kébir.

 Cela m’a rappelé un événement s’étant déjà passé dans une de mes classes de francisation aux adultes. Il y a deux ans, tous mes étudiants de confession musulmane, soit environ le tiers de ma classe, étaient absents. Le lendemain, une étudiante me demande si je l’ai comptée comme présente. Je lui réponds que non, puisqu’elle n’était pas là. Elle m’a alors dit qu’elle comprenait, mais comme l’Aïd était une fête très importante dans sa religion, qu’elle ne pouvait donc pas se présenter en cours et a ajouté qu’elle avait par contre besoin de toutes ses présences pour recevoir son soutien financier régulier. J’ai répondu à mon étudiante que je prenais très au sérieux les présences dans mes cours et qu’elle pourrait bien sûr être exemptée à la réception d’un avis médical ou d’un autre papier sérieux motivant son absence, mais qu’un motif religieux ne pouvait pas l’être. Là, elle avait haussé le ton en me disant que sa religion vaut la mienne et qu’elle avait le droit de prendre congé. Voulant récupérer la situation, j’en ai profité pour ouvrir une discussion en classe sur le calendrier scolaire, et j’ai expliqué à mes étudiants que les congés et jours fériés ici ont peut-être une origine religieuse parce qu’ils s’inscrivent dans notre Histoire et nos traditions, mais qu’il s’agit de jours fériés légaux qui n’emportent plus la moindre caution religieuse de la part de l’État et qui s’appliquent à tous, sans égards à leurs confessions religieuses. Une étudiante prend la parole: « Madame, compte tenu de la forte présence au Québec de multiples communautés culturelles, nous devrions refaire le calendrier, par exemple, s’il y a 80 % de catholiques, ils ont 80 % des congés, 3 % de musulmans 3 % de congés, etc. Abasourdie, je lui avais demandé si dans son pays d’origine on faisait ce genre de chose.

 « Bien sûr que non » m’avait-t-elle répondu. «Dans mon pays, il n’y a pas d’immigration. » Et vlan ! Lorsqu’on s’installe dans un nouveau pays, il faut respecter la majorité et intégrer les habitudes de celle-ci telle que le calendrier de jours fériés. Ce n’est pas au calendrier de s’adapter aux religions.

 Ne songeons qu’aux multiples difficultés logistiques qui en découlerait, si on permettait à tous de se «bricoler» un « calendrier sur-mesure » où chacun aurait ses propres jours fériés indépendamment des autres; il deviendrait très vite impossible de fonctionner en groupe cohérent au niveau du cheminement académique. Pourtant, c’est ce qui se passe de plus en plus dans les écoles et peut-être bientôt dans d’autres milieux de travail québécois. Il n’y a pas que les étudiants qui veulent davantage de congés religieux, il y a aussi les enseignants issus des autres cultures. En effet, les professeurs de confession juive, orthodoxe ou musulmane de la commission scolaire de Montréal ont droit à plus de journées de congés payées que les professeurs n’en faisant pas partie. Effectivement, le calendrier professionnel des enseignants comprend six congés « de maladie » par année, congés qui sont rémunérés, en plus des congés fériés prévus à l’agenda. Nos collègues musulmans, par exemple, en ont trois supplémentaires pour leurs fêtes religieuses, de même que pour les collègues juifs et orthodoxes, qui en ont deux.. Bien certainement, ces congés dits « absences pour fêtes religieuses » sont payés. Il s’agit ici d’un cas d’accommodement que je qualifierais de « déraisonnable ». Si l’on donne neuf jours de congés payés aux musulmans, il faut en donner autant à tous les enseignants, quelle que soit leur religion, pour être équitable envers tous. Présentement, c’est un jugement de la Cour suprême qui donne le droit aux gens pratiquant une religion différente d’avoir des congés rémunérés supplémentaires.

   La commission scolaire de Montréal et ses représentants sont eux-mêmes mal à l’aise face à ces pratiques, mais continuent de s’y soumettre, en ajoutant chaque année de nouveaux bénéficiaires à la liste. Et qu’en sera-t-il des futurs collègues pratiquant d’autres religions, tels que les bouddhistes? Auront-ils droit eux-aussi à des congés supplémentaires? Et qu’en serait-il des enseignants catholiques qui demanderaient plus de congés religieux, qui ne figurent pas au calendrier de jours fériés, tels que la Pentecôte ou le mercredi des cendres?

 Non seulement, à titre de société laïque, nous ne devrions avoir absolument aucune honte à décréter un calendrier unique fait en fonction de nos jours fériés traditionnels (qui sont aujourd’hui, je le répète, dénués de toute caution religieuse de la part de l’État) mais de plus, afin d’assurer la cohérence du système. Si cette situation fait des flammèches dans les écoles, la chose pourrait se reproduire dans n’importe quel autre milieu de travail, car comprenons-nous bien : une injustice demeure une injustice, peu importe où elle se produit, et je considère, avec plusieurs autres, que le fait de payer des gens trois jours de plus que les autres, pour la même tâche et les mêmes compétences, constitue une injustice.

Effectivement, le taux d’absentéisme dans les classes primaires et secondaires dans certaines écoles de Montréal lors des fêtes religieuses de différentes confessions est considérable. La direction de l’école Évangéline a donc raison de dire que les étudiants de confession musulmane sont nombreux à être absents ce jour-là. Est-ce une raison pour mettre la religion au-dessus de la raison en plaçant une pédagogique dans le calendrier justement pour cela ?

 

- 15 octobre 2013
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