Un jour, j’irai vivre en Théorie parce qu’il paraît qu’en Théorie, tout va bien. (Les mots surpendus)

samedi 5 novembre 2016

Les 12 moments marquants de la course présidentielle

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C'est le nombre de jours sur lesquels se sera étirée cette longue campagne présidentielle depuis l'entrée en piste du premier candidat. Vingt mois au cours desquels il aura notamment été question d'inconduite sexuelle, d'un mur, de courriels, du FBI, de la Russie, de violeurs mexicains, de piratage informatique et d'élections truquées. Retour en 12 temps sur une campagne sans précédent.
Un texte de Sophie-Hélène Lebeuf

Elle est loin, la campagne fondée sur l'espoir menée par Barack Obama en 2008. Huit ans plus tard, le marathon électoral a davantage été marqué par une succession de controverses qui ont éclipsé les enjeux.

Au final, les deux grands partis ont choisi des candidats dont l'impopularité atteint des sommets jamais vus pour des aspirants à la Maison-Blanche.

Le dernier épisode de ce qui a par moments ressemblé à une téléréalité se jouera le 8 novembre. À moins d'un nouveau geste d'éclat, d'un nouvel imprévu...

Car les rebondissements, depuis le moment où le républicain Ted Cruz s'est le premier lancé dans la course, en mars 2015, ont été nombreux. En voici 12 - pas uniquement les plus spectaculaires - qui ont influencé le déroulement de la course ou fait osciller les sondages de façon importante.

16 JUIN 2015 - Donald Trump se lance dans la course en critiquant le Mexique et les Mexicains
Le magnat de l'immobilier et vedette de téléréalité Donald Trump annonce officiellement qu'il brigue l'investiture républicaine. Misant sur son statut d'outsider et d'homme d'affaires, le multimilliardaire fait notamment état de sa richesse, critique la Chine, affirme que son pays est dirigé par « des perdants », promet d'être « le plus grand président d'emplois que Dieu ait jamais créé » et s'engage à raviver le rêve américain.

Et il y va d'une promesse phare de sa campagne : « construire un mur le long de la frontière sud des États-Unis » pour contrer l'immigration illégale. Un mur, assure-t-il, qu'il fera payer au Mexique.

Le ton est donné.

Si on a retenu ce qu'il a dit des immigrants mexicains, soutient Rafaël Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand, on a eu tendance à négliger un élément. « Ce qu'il a dit relève de la théorie du complot : le gouvernement du Mexique envoie volontairement ses indésirables », fait-il valoir.

« Personne dans l'histoire américaine n'a prononcé un tel discours, souligne le politologue: un discours de 45 minutes sans queue ni tête, donné sans notes et sans télésouffleur ».

Et cette entrée en piste inhabituelle fait la joie des médias. Prélude de l'attention médiatique disproportionnée qu'il recevra.

21 OCTOBRE 2015 - Joe Biden ne se présente pas
Mettant un terme à des mois de spéculation, le vice-président des États-Unis annonce qu'il ne sera pas candidat à l'investiture démocrate.

« Avec le recul, quand on voit toute la difficulté que Clinton a eue à se débarrasser de Sanders, perdant plus de 20 États, imaginons ce que ça aurait pu donner comme dynamique si Biden s'était lancé », dit Rafaël Jacob.

Il aurait pu être pour Hillary Clinton un adversaire redoutable.

« Mais il y aurait aussi eu une réelle possibilité de voir le vote de l'establishment démocrate divisé, même si Bernie Sanders allait sans doute rester lourdement désavantagé. » En tout cas, l'issue de la course aurait été « beaucoup plus imprévisible », croit le politologue.

1er ET 9 FÉVRIER 2016 - Bernie Sanders séduit

« Démocrate socialiste » autoproclamé, le sénateur du Vermont perd les caucus de l'Iowa de justesse : seul 0,2 point de pourcentage le sépare d'Hillary Clinton. Une semaine plus tard, il triomphe à la primaire du New Hampshire, avec plus de 60 % des voix contre 38 % pour sa rivale. Une « marge historique », souligne Rafaël Jacob.

Un symbole qui montre ce qu'il aura réussi à accomplir pendant l'ensemble des primaires démocrates avec la « révolution politique » qu'il propose.

« Il partait de tellement loin : il était largement inconnu quelques mois plus tôt, il avait 74 ans, il avait l'establishment démocrate contre lui, et il a pourtant bâti une petite armée de partisans loyaux », souligne M. Jacob. « Il a rendu la course beaucoup plus compétitive que ce à quoi bien des gens s'attendaient. »

6 FÉVRIER 2016 - Marco Rubio, d'étoile montante à étoile filante
Après une solide performance aux caucus de l'Iowa, Marco Rubio peut espérer de bons résultats à la primaire du New Hamphire et rallier l'establishment du parti, initialement derrière Jeb Bush.

Mais à trois jours du vote, le jeune sénateur de Floride commet une gaffe lors d'un débat avec ses adversaires républicains. « Arrêtons avec cette fiction selon laquelle Barack Obama ne sait pas ce qu'il fait. Il sait exactement ce qu'il fait. Il essaie de transformer ce pays. [...] Mais nous voulons rester les États-Unis d'Amérique », lance Marco Rubio... à quatre reprises.

« Marco, quand vous êtes président des États-Unis ou gouverneur d'un État, le discours mémorisé de 30 secondes où vous dites à quel point l'Amérique est merveilleuse ne résout les problèmes de personne », rétorque le gouverneur du New Jersey, Chris Christie. Une réplique qui tue.

« Pour moi, il n'y a pas eu un moment plus déterminant pour l'ensemble de la course à la Maison-Blanche », tranche Rafaël Jacob. La déconfiture de Marco Rubio a permis aux Jeb Bush et John Kasich de rester dans la course et de « continuer à diviser le vote », explique-t-il.

18-21 JUILLET 2016 - la convention républicaine et la chicane de famille

La convention républicaine, à Cleveland, officialise la victoire de Donald Trump sur ses 16 rivaux - un record. L'ennemie commune fait l'unanimité, critiquée par les orateurs qui se succèdent, souvent sous les « Emprisonnez-la! » (Lock her up!) scandés par la foule.

Mais la convention met aussi en lumière les divisions au sein de la grande famille républicaine. Les ex-présidents George Bush père et fils n'y sont pas, pas plus que les ex-candidats républicains à la présidence John McCain et Mitt Romney. Les candidats des primaires Marco Rubio et John Kasich brillent eux aussi par leur absence.

Celui qui a fini deuxième, Ted Cruz, lui, y prononce un discours... pendant lequel il est copieusement hué. Non seulement le sénateur du Texas ne se rallie-t-il pas à Trump, mais il invite les électeurs conservateurs à voter en respectant leurs valeurs.

Du « jamais vu », souligne M. Jacob. « La convention républicaine était l'occasion pour Trump de réunifier le parti et de projeter une image d'unité. Il a échoué. »

22 JUILLET 2016 - début des révélations de WikiLeaks

À l'aube de la convention démocrate, le site WikiLeaks publie des courriels du camp démocrate obtenus par piratage informatique. La première série - quelque 19 000 courriels du Comité national démocrate (CND) - montre notamment que des responsables du parti ont étudié divers moyens de saborder la campagne de Bernie Sanders. Ces révélations entraînent la démission de la présidente du CND, Debbie Wasserman Schultz.

Par la suite, WikiLeaks mettra en ligne d'autres dizaines de milliers de courriels, notamment issus du compte du président de campagne d'Hillary Clinton, John Podesta, sur des sujets comme la Fondation Clinton ou des discours de Clinton devant des grandes banques.

Le camp Clinton comme les services de renseignement américains montrent du doigt la Russie pour le piratage des courriels.

« Ces courriels sont importants dans la mesure où ils ont confirmé plusieurs des craintes et des objections les plus fondamentales à l'égard de Clinton, analyse Rafaël Jacob. Par exemple, pour les partisans de Sanders, c'est venu confirmer la croyance qu'elle était de mèche avec le Comité national démocrate, que le système est truqué, etc. Pour d'autres qui la voyaient déjà comme étant malhonnête, c'est venu renforcer les perceptions qu'elle a des problèmes d'éthique. »

25 AU 28 JUILLET 2016 - les discours de Michelle et de Khan
Sans être « parfaite », la convention démocrate de Philadelphie a été mieux organisée que celle des républicains, souligne M. Jacob. « Les organisateurs ont été extrêmement habiles pour étouffer la contestation des milliers de partisans de Sanders sur place, et Hillary Clinton en est sortie en meilleure posture. »

Et, contrairement aux républicains, les démocrates ont pu compter sur les ténors de leur parti, comme Barack Obama ou Joe Biden. Bernie Sanders a lui aussi livré un plaidoyer en faveur d'Hillary Clinton. Un ralliement important, souligne le politologue.

L'étoile de la convention : Michelle Obama, qui a critiqué, sans jamais le nommer, le candidat républicain. « Quand ils s'abaissent, on s'élève », a-t-elle lancé. La première dame a également relevé l'importance historique de l'éventuelle élection de la candidate démocrate.

Mais un inconnu y retient aussi l'attention : Khizr Khan, un Américain d'origine pakistanaise et de confession musulmane dont le fils Humayun, un capitaine, est mort en Irak.

Soulignant que son fils a sacrifié sa vie pour ses compagnons d'armes et son pays, M. Khan soutient que celui-ci n'aurait pas pu vivre dans l'Amérique du candidat républicain.

« Donald Trump [...], laissez-moi vous demander : "avez-vous seulement lu la Constitution?" », demande-t-il, brandissant son propre exemplaire. Un écho notamment à la « fermeture totale » des États-Unis à tous les musulmans qui voudraient y entrer que celui-ci a prônée.

Mais les choses n'en sont pas restées là : au cours des semaines qui ont suivi les conventions, le candidat républicain a multiplié les guerres de mots inutiles - contre Obama, contre Cruz, contre les Khan -, alimentant les controverses. Et cela s'est répercuté dans les sondages, souligne Rafaël Jacob.

« Sa sortie contre la famille Khan, c'est ce qui lui a fait le plus mal. Plusieurs ont trouvé inacceptable qu'il touche à la famille d'un militaire tué à la guerre », rappelle-t-il. Encore une fois, l'indiscipline de Trump lui a nui, fait observer le politologue.

11 SEPTEMBRE 2016 - la pneumonie de Clinton et la gestion de son malaise

Victime d'un malaise, Hillary Clinton doit quitter la cérémonie commémorative du 11 Septembre qui se tient à New York. Une vidéo amateur montre la candidate perdre l'équilibre et être rattrapée par ses gardes du corps alors qu'elle est sur le point de tomber.

Son équipe évoque initialement un « coup de chaleur », mais quelques heures plus tard, son médecin indique que la candidate a en fait reçu deux jours plus tôt un diagnostic de pneumonie, qu'exploitent les républicains.

« Plusieurs journalistes ont présenté sa pneumonie comme étant le problème. Non, le problème, tranche M. Jacob, c'est qu'elle a menti sur sa pneumonie. » Sans doute pas la meilleure stratégie alors qu'une majorité d'Américains la perçoivent comme menteuse et malhonnête.

26 SEPTEMBRE 2016 - le premier débat Trump-Clinton
Les deux candidats sont au coude-à-coude lorsqu'ils se présentent au premier débat. Pour Trump, la barre est basse. « Il n'avait même pas besoin de battre Hillary Clinton, il avait seulement besoin d'être convenable... et il ne l'a pas été, juge Rafaël Jacob. Il a eu l'air mal préparé, indiscipliné, et Clinton a repris l'avance. »

À la fin du débat, Hillary Clinton sort de son chapeau le nom d'Alicia Machado, une ancienne Miss Univers que Donald Trump aurait notamment traitée de Miss Piggy en raison de son poids. Un hameçon auquel mordra Donald Trump pendant plusieurs jours.

« Ce n'est pas seulement sa contre-performance qui lui a nui, c'est qu'après, il en a remis, remis et remis », souligne M. Jacob, rappelant que l'homme d'affaires a insulté à répétition l'ancienne reine de beauté. « Pendant une semaine, on a parlé de Miss Univers et des tweets de Trump à 3 h du matin. »

Did Crooked Hillary help disgusting (check out sex tape and past) Alicia M become a U.S. citizen so she could use her in the debate?

- Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 30 septembre 2016

Avec ce débat, « il avait une chance de faire basculer la course en sa faveur... et il l'a bousillée », résume le politologue.

7 OCTOBRE - le « Trump Tape », suivi des témoignages de ses accusatrices

À un mois de l'élection, le Washington Post lance une bombe : il rend public un enregistrement de 2005 sur lequel on entend Trump tenir à l'endroit des femmes des propos crus et dégradants. Trump, qui parlait alors à l'animateur d'Access Hollywood, Billy Bush - ironiquement le cousin de Jeb et George W. - se vante même de pouvoir « attraper » les femmes par leur sexe en toute impunité.

Du jamais vu dans une campagne présidentielle. « Il n'y a pas grand chose de plus marquant que ça : un candidat qui se vante d'être un prédateur sexuel sur un enregistrement », souligne Rafaël Jacob.

C'est la première « surprise d'octobre », qui amène les républicains à condamner ses propos, certains lui retirant même leur appui. Donald Trump banalise l'affaire en évoquant une « conversation de vestiaire ». Une douzaine de femmes l'accuseront ensuite sur la place publique d'avoir posé des gestes d'inconduite sexuelle.

« Pour plusieurs électeurs, ça a été le coup de grâce », estime M. Jacob. C'est le moment qui a leur donné la réponse à la fameuse ballot question, cette question sur la base de laquelle les gens font leur choix, explique-t-il. « Le verdict sur Hillary Clinton a déjà été rendu : les Américains ne lui font pas confiance. La question, c'est : « Trump est-il acceptable? ». Il y a eu une masse critique d'électeurs qui se sont dit : "non, on ne peut juste pas voter pour lui". »

19 OCTOBRE 2016 - Trump refuse de dire s'il reconnaîtrait une victoire de Clinton
Le troisième et ultime débat entre les candidats à la Maison-Blanche est aussi riche en prises de bec qu'en contenu. Mais c'est le refus de l'homme d'affaires de s'engager à reconnaître les résultats qui retient l'attention.

Depuis plusieurs semaines, le candidat républicain répète que l'élection est « truquée ». Interrogé à ce sujet, il laisse entendre qu'il pourrait ne pas concéder la victoire s'il était défait.

« Ça n'a pas changé les intentions de vote », souligne Rafaël Jacob, qui minimise l'impact de cette déclaration. « Mais jamais un candidat n'avait évoqué la possibilité de ne pas reconnaître une élection qui n'avait pas encore eu lieu ».

28 OCTOBRE 2016 - le FBI relance l'enquête sur les courriels d'Hillary Clinton
Pour la deuxième fois en quelques mois, un geste du directeur du FBI, le républicain James Comey, a un impact sur la campagne. Les deux fois, c'est l'utilisation d'un serveur privé par Hillary Clinton lorsqu'elle était secrétaire d'État qui est en cause.

En juillet, James Comey recommande au cours d'une conférence de presse de ne pas déposer d'accusations criminelles contre la candidate démocrate. Il n'en dénonce pas moins son « extrême négligence ». « C'est sans précédent », indique M. Jacob. Mais « installer son serveur privé dans le sous-sol » l'est tout autant, fait-il remarquer.

Puis, fin octobre, dans une lettre adressée à des présidents de commissions parlementaires du Congrès, M. Comey indique que le FBI détient, en vertu d'une enquête distincte, de nouveaux courriels « pertinents » à celle menée sur Mme Clinton. L'enquête est relancée, même si l'agence ne peut déterminer pour le moment si ces nouveaux éléments sont « significatifs ». Son intervention, à moins de deux semaines du vote, rompt avec la tradition.

On ignore si les courriels litigieux contiennent des informations confidentielles envoyées ou reçues par Clinton, mais ce rebondissement galvanise le camp Trump et brise l'élan de la candidate démocrate.

Cette deuxième surprise d'octobre a un « effet indéniable sur les intentions de vote », souligne Rafaël Jacob, qui prédit malgré tout une victoire démocrate. Mais si la lutte avait été plus serrée au moment de ce « choc gigantesque », Donald Trump « aurait pu tout faire basculer ».

Une campagne présidentielle « est un marathon », illustre-t-il. « Ça montre que c'est l'ensemble de la course qui est importante. »

Il ne reste plus que quelques jours avant qu'elle se conclue - enfin - et que tombe le verdict des Américains.

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