Un jour, j’irai vivre en Théorie parce qu’il paraît qu’en Théorie, tout va bien. (Les mots surpendus)

lundi 2 septembre 2013

LE COFFRE-FORT DE L’APOCALYPSE


(L'entrée de la salle forte, avec son dispositif lumineux)


News New News. Certains écologistes l’appellent « La chambre forte de l’Apocalypse » d’autres « L’Arche de Noé ». C’est le coffre-fort construit sous une île norvégienne où l’humanité commence à conserver toutes les semences agricoles du monde - une bonne nouvelle en cette année 2010, déclarée année de la biodiversité par l’ONU ? Ou l'annonce que nous en approchons... de la fin des haricots ?

Avec son entrée lumineuse visible la nuit à plusieurs kilomètres, enchâssée dans la roche dure de l’archipel du Spitzberg, en Norvège arctique, à 1120 kms du Pôle Nord, la chambre forte se veut une sentinelle qui défie le temps. Elle a été construite à 130 mètres au-dessus du niveau de la mer, pour éviter une éventuelle montée des eaux, à l’écart de la zone sismique arctique, sous une montagne. Après la première porte blindée, un tunnel bétonné long de 120 mètres s’enfonce dans le grès. Il a été conçu pour renvoyer l’onde de choc d’une roquette. Au bout, deux épaisses portes d’acier. Derrière, une grande salle, trois nouvelles portes blindées. Elles protègent trois caves glacées, réfrigérées à -20°, où s’empilent des caisses noires...

Nous sommes dans le caveau de cette pyramide gelée. La chambre du prodigieux trésor, aussi protégé que les réserves d’or des banques centrales. Elle abrite la vie même et ses secrets : des millions de semences ; des graines végétales. Des échantillons de maïs, blé, riz, haricot, sorgho, tomate, courgette, niébé, poix, et bien d’autres. Séchées pour éviter toute moisissure, enfermées dans de sacs hermétiques repliés trois fois, maintenus à température constante. Des graines qui, croissant au soleil, nourrissent l’humanité depuis toujours - sans lesquelles nous mourrions de faim aujourd’hui… et demain.

Les dix-sept gouvernements, le Fonds fiduciaire pour la diversité des cultures, le Global Crop Biodiversity Trust, les fondations Gates et Rockfeller, le géant des semences Syngenta ont financé pour 4 millions d’euros ce colossal coffre-fort - et commencé d’y entreposer les semences depuis février 2008. Le jour de l’inauguration, 100 millions de graines, en provenance de 100 pays, les végétaux de base de l’alimentation d’Afrique et d’Asie ainsi que des échantillons d’aubergine, de laitue, d’orge et de pomme de terre originaires d’Europe et d’Amérique Latine y ont été solennellement déposées en présence de Jens Stoltenberg, le Premier ministre norvégien, Jose Manuel Barroso, président de la Commission européenne, Wangari Maathai prix Nobel de la paix 2004 et de représentants du monde agricole. « Nous ne protégeons pas des simples semences, mais des éléments fondamentaux de la civilisation humaine », a déclaré le Premier norvégien. L’ambition est d’y préserver, si possible, des échantillons de toutes les variétés de plantes vivrières cultivées, et sauver leur diversité : 3 millions à ce jour - il existe 4000 variétés de pomme, des dizaines de milliers de maïs, de froment, de blé, etc, dans le monde. Il s’agit de sauver l’extraordinaire savoir génétique contenu dans ces plantes, qui ont su s’adapter à mille catastrophes, s’accrocher en des lieux hostiles, aidées par les hommes - ils ont appris à les cultiver de mille manières depuis des milliers d’années. Un patrimoine aujourd’hui menacé, que la biodiversité terrestre régresse partout.



La fin des haricots ?
Cette année 2010 a été déclarée « année de la biodiversité ». Nous savons pourquoi. Depuis le Sommet de la Terre de 1992 à Rio, où fut adoptée dans l’euphorie la convention internationale sur la diversité biologique - ralentir son érosion, préserver la pluralité des espèces -, très peu d’efforts ont été consentis, le scénario « business as usual » l’a emporté. En conséquence, aujourd’hui la disparition des espèces animales s’accélère, la surpèche continue, les écosystèmes s’altèrent, la déforestation gagne, l’élevage fait reculer l’agriculture vivrière - et la FAO s’inquiète que les trois quarts de la diversité génétique des cultures agricoles aient disparu en un siècle. 2010 année de la biodiversité, ou… de la fin des haricots ? En tout cas, dans la chambre forte du Spitzberg, les semences qui peuvent être sauvées continuent d’arriver. C’est important. En 1996, aux Philippines, un typhon avait détruit une importante banque de graines. En Afghanistan, en Irak, des silos de conservation ont disparu pendant les guerres récentes. Aujourd’hui, les échantillons de ces espèces auraient été protégés des déluges dans l’Arche norvégienne.

Mais suffira-t-elle ? Certains écologistes craignent qu’une telle centralisation des efforts de préservation ne démobilisent ceux qui oeuvrent à développer la biodiversité agricole sur le terrain, de manière durable - à leurs yeux, le seul moyen de la préserver. Des études de la FAO montrent que des communautés paysannes vivant dans la jungle de Sanephong (Thaïlande) cultivent 387 espèces vivrières, dont la courge cireuse, le jacquier et le champignon « oreille de Judas », que les Masaï du Kenya cuisinent 35 différentes espèces d’herbes, de légumes à feuilles et de fruits sauvages. En comparaison, les régimes des pays industrialisés, après des décennies d’agriculture intensive et sélectionnée, apparaissent beaucoup plus pauvres en espèces agricoles, dépendant de quatre grandes plantes commerciales - le blé, le riz, le maïs et le soja. Une ONG espagnole, GRAIN (grain.org) doute que le stockage de graines dans les sachets fermés du Spitzberg permette de conserver les qualités génétiques des plantes. Et ils s’interrogent : en cas de désastre alimentaire mondial, quand il faudra redistribuer l’extraordinaire trésor, les héritiers ne se battront-ils pas à mort pour le conserver à leur seul profit ? Un beau roman de science-fiction réaliste.

Svalbard Le coffre-fort de l'apocalypse par cocobrownlasectedupal Merci André pour l'idée

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