Un jour, j’irai vivre en Théorie parce qu’il paraît qu’en Théorie, tout va bien. (Les mots surpendus)

lundi 16 décembre 2013

Pourquoi suis-je toujours indépendantiste en 2013 ?

Gilles Ouellet


En 2013, compte tenu de la diminution de l’importance démographique du Québec dans l’union canadienne, la réponse à cette question tient pour moi en trois mots : Être ou disparaître.
Mais la réponse à la question « Pourquoi être ? » exige une explication beaucoup plus longue.
L’indépendance du Québec passera indubitablement par la fusion du cœur, de l’esprit et de l’action. Il s’agit là d’un aboutissement que tout être humain doit viser pour atteindre le plein équilibre et le plein épanouissement. Il en va de même d’un peuple qui aspire être.
La voie du cœur s’exprime par des sentiments qui se développent au fond de l’âme. Ils font ressentir des émotions de bonheur ou d’inconfort. Le bonheur, c’est avoir l’assurance d’être sur la voie de l’équilibre. Le bonheur de vivre au Québec a été bien exprimé dans plusieurs textes des auteurs-compositeurs qui ont chanté le Québec. Les Québécois de souche et d’adoption ressentent une joie immense de retourner sur leur territoire après un séjour plus ou moins prolongé dans les autres provinces canadiennes et à l’étranger. Ils retrouvent les paysages, les odeurs familières, la joie d’être avec les siens, le bonheur de s’exprimer en français et goûter les accents du pays puis cette chaleur humaine qui se dégage de la simplicité des rapports sociaux.
L’esprit, quand à lui, exprime une aptitude intellectuelle qui amène l’individu à mémoriser de l’information, à l’analyser, la synthétiser et la rendre intelligible pour ses semblables. Pour acquérir une liberté de pensée, l’accès à l’information doit être rendu disponible à tous et l’expression démocratique doit pouvoir s’exercer sans contrainte. Depuis la révolution tranquille, le peuple québécois est sortie de sa torpeur grâce à l’accessibilité élargie à l’éducation, au partage de l’information et à la liberté de parole. Paul Gérin-Lajoie, dans son livre « Combat d’un révolutionnaire tranquille », avait décrit sa vision en 1960 : « Je vois tout à coup ce rêve devenir réalité. Chaque petit Québécois, et petite Québécoise, [...] aura bientôt accès à tous les niveaux et tous les types d’éducation. Tous pourront développer leur potentiel. Du fond des campagnes et des endroits éloignés des villes, là où ils étaient abandonnés par un système élitiste, on leur offrira la possibilité de fréquenter des institutions où ils pourront recevoir une formation en fonction de leurs aptitudes et de leurs intérêts. Sans obstacle financier. Sans barrière géographique. Sans carcan pédagogique. L’éducation pour tous et toutes. La meilleure éducation possible ».
Finalement l’action s’impose au cœur et à l’esprit, une fois que ces deux premiers éléments ont été totalement intégrés. La pensée empreinte d’authenticité se forme, la vision s’élabore en toute clarté et se partage puis l’action devient concrète. Le cœur « Je me souviens »
L’histoire est constituée de faits rapportés. Elle est toujours sujette à interprétation. Mais ce qui est inscrit au cœur par les émotions ressenties lors des événements sont des indices beaucoup plus crédibles pour comprendre l’âme québécoise.
À mon avis, dix événements ont marqué significativement :
1. La naissance du peuple québécois a débuté avec les premiers visiteurs français venus du vieux continent. Avec l’aide des peuples autochtones qui parsemaient le territoire, les premiers colons ont créé une collectivité nouvelle, distincte de la mère patrie. La rigueur du climat, l’éloignement de la mère patrie, l’immensité du territoire et la menace d’une extermination de la part de certaines tributs résidentes ou d’autres colonisateurs étrangers cherchant à s’implanter ont forgé distinctement le caractère de ce peuple. Le besoin de croître, de resserrer les liens et de se définir représentaient une urgence vitale. Se regroupant sous un schème de valeurs associées à la croyance religieuse catholique et calquant approximativement la politique structurante de leur pays d’origine, les premiers canadiens-français caressaient le rêve de la création d’un pays nouveau où tous les espoirs d’une vie nouvelle et améliorée seraient permis.
2. Vint alors la conquête caractérisée par la perte d’une bataille (celle des plaines d’Abraham) et la cession de la Nouvelle France à l’Angleterre en 1763. Cet événement fut profondément marquant. Il coupa net le lien encore fragile avec les racines françaises puis imposa la présence de conquérants dont la culture, la langue, la religion et les lois étaient différentes. Un sentiment défaitiste, exacerbé par les valeurs religieuses catholiques qui privilégiaient la soumission, s’inscrit alors profondément dans le cœur des québécois.
3. Le lendemain de la conquête allait mener les conquérants à faire des choix déterminants pour sceller le sort de la jeune nation conquise. Les conquérants ont vite compris que la communauté canadienne-française formait déjà un peuple distinct par sa langue, sa culture, sa foi religieuse et ses coutumes. Le choix était soit la déportation, soit l’assimilation, soit l’assujettissement ou soit l’association pour former une nouvelle nation. Après plusieurs tentatives plus ou moins bien réussies au regard des trois premiers choix et tenant compte de la conjoncture démographique, religieuse, économique et politique d’alors, il s’avéra plus avantageux de tenter une association visant à tirer le maximum des forces des deux colonies. Pour l’élite du Bas-Canada majoritairement francophone, cette association devait se faire entre deux partenaires égaux en droits. Revendiquer ce statut représentait un incontournable pour un peuple qui veut exister dans la dignité. L’apogée fut la pendaison des patriotes de 1837 qui défendait alors un état républicain autoproclamé pour le Bas-Canada. Une plaie au cœur qui aurait du mal à cicatriser dans l’avenir.
4. Le rêve de créer un nouveau pays « A mari usque ad mare » commença à refaire surface depuis l’affaire du « Tea party » dans les colonies américaines et s’accentua depuis la fin de la guerre de Sécession. Devant la crainte de l’envahissement américain, les Loyalistes fidèles à la couronne britannique accentuèrent la pression. On profita de cette conjoncture pour aiguiller la ferveur nationaliste en ce sens. Il fallait alors accepter certains compromis pour que les deux peuples puissent s’associer dans l’harmonie. La Confédération de 1867 est née de ces dignes et louables aspirations. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique sanctionnait une union entre deux territoires constitués en vertu de l’Acte constitutionnel de 1791 (Bas Canada et le Haut Canada) puis remplaçait L’Acte d’Union de 1840 puis créait deux provinces séparées, le Québec et l’Ontario, sous la gouverne constitutionnelle de la couronne britannique. Des représentants élus au gouvernement des deux provinces par leur population respective avaient le pouvoir de décréter des lois sur leur territoire, d’utiliser la langue de leur choix et d’appliquer la justice. Mais déjà, on utilisa le terme confédération alors qu’il s’agissait d’une fédération car on voulait déjà atténuer la crainte fort ressentie par les chefs coloniaux d’alors d’un gouvernement central trop fort. On est parvenu à un accord qui reconnaissait la notion des deux peuples fondateurs, qui statuait sur le partage des pouvoirs et qui confirmait les limites territoriales. Après la défaite des Plaines d’Abraham, un nouveau sentiment rempli d’espoir et de fierté apparaissait au cœur des Canadiens-français.

5. Les deux grands guerres mondiales ont ébranlé le rêve des pères fondateurs. Elles ont exacerbé la confrontation des valeurs et ont contribué à accentuer la distinction nette entre ce qu’on appelle aujourd’hui le Québec et le reste du Canada. D’une volonté originale d’œuvrer en collaboration, on passa à l’action d’imposer dans son sens large. On perçoit alors chez le reste du Canada le fort désir de consolider l’état canadien et d’en faire une seule et unique nation. On prend appui sur une forte colonisation de l’Ouest du Canada par une immigration accélérée découlant de la fin de deuxième guerre mondiale pour renforcer le sentiment d’appartenance canadien. L’effort du guerre avait fourni les justificatifs pour accorder un pouvoir plus centralisateur au gouvernement canadien et pour ajuster la fiscalité en conséquence. Après, on a omis de rétablir l’équilibre fiscal et on favorisa ainsi, sans égard aux principes de départ, l’accroissement de l’influence d’Ottawa dans les champs de compétence provinciaux. Un sentiment de tromperie était ressenti.
6. Le mépris d’Ottawa fait prendre conscience à l’élite et aux intellectuels québécois que la survie de la nation canadienne-française devait dorénavant passer par l’affranchissement du pouvoir centralisateur canadien. L’économie était aux mains des étrangers, les dirigeants descendaient des conquérants et le peuple canadien français était placé sous le joug de l’élite religieuse catholique et tenu dans l’ignorance et l’asservissement. En 1948, le profond désir d’exister et de s’affirmer, défendu par l’élite politique du Québec, fut symboliquement représenté par l’adoption du drapeau du Québec, illustrant notre distinction et notre appartenance française. En 1954, le Premier Ministre Duplessis fit voter une loi créant un impôt québécois pour contrecarrer les ingérences fédérales dans le domaine des compétences du Québec puis obtint plus tard que cet impôt sois déductible de l’impôt canadien. Par la suite, des intellectuels donnèrent naissance au mouvement indépendantiste québécois. Il fut appuyer dans son essence par des slogans du type « Maître chez nous » et « Égalité ou indépendance » des différents gouvernements québécois qui se sont succédés, toute idéologie confondue. Un rêve de liberté jaillissait du cœur et exacerbait le sentiment nationaliste des citoyens du Québec.
7. La révolution tranquille des années 1960 est marquée par une série d’actions déterminantes visant à créer une classe moyenne et dirigeante requise à la prise en main des leviers du pouvoir et des différents secteurs de l’économie. L’État devient alors le maître-d’œuvre. Le peuple acquiert la conviction que les changements à venir doivent nécessairement passer par l’action politique. En 1970, l’exaspération face à la lenteur des canadiens-français à se sortir de leur torpeur (6 députés indépendantistes élus à l’assemblée nationale) et devant l’arrogance méprisante de l’élite dirigeante anglophone (voir Déclaration de Donald Gordon, directeur général du CN concernant l’incompétence des Canadiens-français), une poignée de jeunes extrémistes les conduit à des débordements terroristes condamnables (voir : FLQ) contre les symboles fédéralistes sur le territoire montréalais. Le parti québécois, premier parti politique indépendantiste, prend le pouvoir avec une large majorité en 1976. Le sentiment d’appartenance nationale se modifie au cœur des canadiens- français, lesquels s’identifieront dorénavant comme « Québécois ».
8. En 1980, le Parti québécois remplit sa promesse électorale et demande aux Québécois, lors d’un premier référendum, le mandat pour négocier avec le Canada une association entre États. Si la population répondait par l’affirmative, un second référendum devait entériner la modification du statut du Québec. Cet appel au peuple sur la question nationale allait provoquer une profonde remise en question nationale. Il allait diviser la population québécoise et susciter un réveil brutal dans le reste du Canada (What’s the Quebec want ?). Malgré la victoire du non, le Parti québécois est reporté au pouvoir en 1981. Il s’ensuit « la nuit des longs couteaux » qui allait isoler le Québec et provoquer le rapatriement unilatéral de la Confédération canadienne sans l’accord du Québec. Un profond sentiment d’incompréhension et un affront étaient douloureusement ressentis.
9. La question du second référendum sur l’indépendance du Québec en 1995 est plus explicite : « Acceptez-vous que le Québec devienne souverain...? ». Ce référendum faisait suite à l’’effort de la main tendu (retour du Québec dans la famille canadienne dans l’honneur et l’enthousiasme ») du fédéral, représenté par les conférences constitutionnelles de Meech et Charlottetown. Cette bonne volonté de part et d’autre a échoué, miné par les tenants du fédéralisme centralisateur. Le résultat du vote 51/49 en faveur du non a provoqué la consternation et a créé un traumatisme tant au Québec que dans le reste du Canada. Les Québécois, attachés à leurs valeurs démocratiques, ont accepté pacifiquement le résultat mais le risque de scission du pacte originel a suscité une telle crainte dans le reste du Canada que le gouvernement canadien a senti l’urgence d’imposer au Québec une loi sur la clarté référendaire. Cette loi vendue avec le beau principe d’éviter toute confusion dans l’expression de la volonté populaire sur un sujet aussi crucial venait d’assujettir le gouvernement québécois dans son pouvoir de voter une loi qui concerne son droit d’exister. Cela a été ressenti comme un coup de poing à un adversaire déjà terrassé.
10. Sentant que la marque laissée au cœur des Québécois constituerait un obstacle durable dans la volonté d’intégrer le Québec à l’ensemble canadien, le gouvernement central conservateur jugea qu’il était temps de rappeler que le Québec formait une nation distincte. Les Québécois ressentent toujours que cette reconnaissance tardive fut surtout dictée par la raison politique (la prudence) à un moment où la ferveur nationaliste fut endormie par deux défaites référendaires. Elle n’avait rien à voir avec le cœur.
Le raisonnement
La raison a besoin de repères pour se situer dans l’espace et dans le temps. Il y a les valeurs proposées et enseignées par l’entourage puis cette tendance naturelle consciente et inconsciente à privilégier une approche idéologique plutôt qu’une autre. L’idéologie se présente pour un individu autant que pour une collectivité sous quatre volets : l’autonomie (rapport avec soi-même), le social (le rapport avec les autres), le rôle (le rapport avec le pouvoir), et l’économie (rapport avec l’argent).
C’est la mémoire d’’événements marquants qui est filtrée par ces repères qui est le départ de la réflexion. Ces événements sont constitués d’actes, de paroles, de pensées, d’émotions qui sont soumis au jugement de l’authenticité et de la cohérence.
L’autonomie
Au plan individuel, l’autonomie se révèle être le choix de se développer soit seul (célibat), soit en complémentarité avec une autre personne (couple) ou soit avec un groupe de personnes (famille et communauté). L’autonomie ainsi décrite, on conçoit facilement que le fait de vivre célibataire confère à la personne une liberté d’action beaucoup plus large et moins contraignante que dans le cas des autres options. En effet, pour les autres options, cela implique de partager les mêmes valeurs, une volonté de s’engager loyalement avec un ou des individus dans le but de s’épanouir mutuellement, poursuivre des objectifs communs et s’acquitter de responsabilités librement partagées.
Ainsi, le Québec, au début de la Confédération, a accepté de s’engager à vivre en complémentarité avec les autres provinces canadiennes par l’intermédiaire d’un gouvernement central. Puis avec le temps, les besoins changeants, il est devenu essentiel pour les partenaires de revoir leurs attentes et de réévaluer les engagements initiaux en rapport avec l’avenir. Or, dans le cas de la Confédération canadienne, il a été impossible de reconsidérer les ententes initiales malgré de nombreuses tentatives. Plus est, il y a eu transgressions des engagements initiaux sans l’accord de tous les partenaires et particulièrement du Québec. Devant un tel état de faits, il devenait évident de rétablir les rapports de forces pour pouvoir négocier un nouveau pacte sur des bases égalitaires. La seule option possible dans les circonstances, c’était d’envisager la coupure du lien politique avec le reste du Canada, soit la séparation. Pour le Québec, ce fut l’objet du premier référendum de 1980.
Les rapports sociaux
Le lieu de naissance confère à l’individu sa citoyenneté. Par delà la famille et les amis, il existe un peuple d’appartenance qui s’est donné des lois et des règlements qui régissent les rapports entre tous les citoyens. Ces lois découlent des valeurs fondamentales auxquelles la majorité des citoyens adhèrent.
Le droit à l’auto-détermination est un droit fondamental reconnu internationalement. Prenant conscience d’une nature qui lui est propre, le peuple québécois tente de mesurer si ses aspirations et ses intérêts seront mieux servis s’il s’affranchit des liens qui l’unit au reste du Canada dont il perçoit des différences fondamentales (les deux solitudes). D’aucuns croient toujours que la confédération canadienne offre toujours cette possibilité mais l’histoire fait comprendre que les arrangements consentis sont devenus des compromis limitatifs pour les aspirations respectives des deux peuples fondateurs. L’assujettissement à la couronne britannique est toujours difficilement acceptable pour l’esprit républicain des Québécois tout autant que le bilinguisme et la reconnaissance d’une société distincte pour le Québec le sont pour le Reste du Canada. L’autre option proposée serait la souveraineté-association. Loin d’être une police d’assurance contre les risques découlant du bris du lien politique, les habitants du territoire canadien actuel (Les Québécois, les Canadiens et les Autochtones) seraient souverains sur leur territoire respectif et accepteraient de signer des alliances de coopération dans les domaines où il seraient jugés avantageux pour tous. Il faut comprendre que le Québec cherche son épanouissement dans la construction d’un pays, non pas, comme veut le faire croire les détracteurs, à briser un pays. Le Canada comme pays est une réalité politique mais pas au regard de l’attachement nationale.
Le pouvoir
Le pouvoir est avoir la capacité d’agir. Une plus grande autonomie permet d’avoir plus de contrôle sur la prise de décision. Un État autonome choisit entre autres, sans référer à une autorité extérieure, sa langue, ses critères de citoyenneté, son développement éducatif et culturel, son développement démographique (fécondité et immigration), son droit pénal et civil ainsi que son application intégrale, sa représentativité internationale, ses priorités dans la préservation de son environnement ainsi que sa philosophie économique.
À l’intérieur de l’entité canadienne, le Québec doit se contenter d’une participation diluée dans un ensemble dont les aspirations citoyennes sont aussi éloignées que l’est l’étendue du territoire. Assis à la table des premiers ministres du Canada, le Québec dispose d’un droit de parole équivalent à toutes les autres provinces et territoires sans égard à l’importance de sa population. Deux tentatives de révision de la constitution canadienne ont abouti à des échecs (Charlottetown et Meech) par suite de veto soulevés par représentants de provinces dont le poids démographique ne pouvait être pris en compte.
Le Québec n’exerce aucun pouvoir de désigner des juges qui représentent ses valeurs fondamentales à la plus haute cour. Ainsi, la cour Suprême a le pouvoir de porter un jugement à l’encontre des lois votées par l’Assemblée nationale du Québec. Le Québec est limité dans son pouvoir de négocier des arrangements face aux exigences économiques des autres provinces. Le pouvoir fédéral peut décider unilatéralement de favoriser un des membres de la fédération et le contraindre, le cas échéant.
Sous ce thème, il importe de souligner que l’idée selon laquelle le gouvernement de la province de Québec devrait pouvoir exercer un droit de veto en matière constitutionnelle est fermement enracinée dans l’interprétation que le Québec se fait de la structure de la Confédération. De façon générale, cette interprétation diverge radicalement de celle du reste du Canada. Essentiellement, on a toujours estimé au Québec que la Confédération était à la fois une entente conclue entre les quatre provinces initiales et, ce qui est encore plus significatif, un pacte entre les deux peuples fondateurs. Les juristes constitutionnelles n’en finissent plus de tenter d’interpréter cette notion.
En disposant du pouvoir d’agir d’un état autonome, l’État québécois permettra d’ajuster le cadre actuel pour l’adapter aux besoins existants et émergents et qui correspond le mieux aux aspirations du peuple québécois.
L’économie
Il est reconnu que les Québécois de souche ont toujours éprouvé un malaise avec la richesse. Certains l’expliquent par la culture religieuse catholique qui stigmatise la pauvreté à l’opposé d’autres religions tels que le protestantisme et le judaïsme. On peut également expliquer ce malaise par le fait que les nantis sont ceux qui occupent des positions de pouvoir. Qui dit pouvoir, dit subordination. On peu facilement déduire que l’épreuve de la défaite face au conquérant britannique et anglican puis le maintien dans un état de subordonné et d’ignorance durant les centaines d’années qui suivirent ont contribué à considérer la richesse comme une menace. Pour survivre, il a fallu que les habitants se serrent les coudes, favorisant ainsi un esprit de coopération et d’entraide sociale. L’esprit entrepreneurial s’est développé petit à petit puis à émerger par suite de mise en commun des ressources financières sous l’instigation du mouvement Desjardins puis plus tard par la création de la Caisse de dépôt et placement du Québec. On ne doit pas s’étonner de l’importance significative des coopératives et des PME (Petite Moyenne Entreprise) dans l’économie diversifiée du Québec.
Le besoin de coopérer pour progresser a accentué la présence marquée des mouvements coopératifs (2840 coopératives non financières au 31 décembre 2011) . Cela s’est accompagné d’une résistance à la subordination qui s’est affirmée par le regroupement des ouvriers en syndicat puis par l’influence significative acquise par les centrales syndicales québécoises. Les premiers fondements revendicatifs visaient en premier lieu le partage de la richesse. Aujourd’hui, ces centrales syndicales investissent dans l’économie québécoise par le biais de leurs fonds d’investissement. Ces mouvances ont façonné l’idéologie social-démocrate au Québec.
Avec le temps, les nouvelles préoccupations sociales (environnement, commerce équitable, répartition de la richesse collective, les arts) ont produit ce qu’on appelle aujourd’hui le « Québec Inc. » (Espèce de réseau de plus en plus formel qui met en lien les entrepreneurs, les centrales syndicales, les institutions privées et publiques et le gouvernement). Cette contribution étroite est spécifique et a pour objectif de favoriser la croissance de l’économie québécoise et son rayonnement international.
L’économie est l’activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens et de services. L’économie a été influencée par différents courants de pensée. La croissance économique dépend de la politique monétaire (stabilité des prix et contrôle de l’inflation) et de la politique budgétaire et fiscale. Ces politiques sont les principaux leviers sur lesquels un gouvernement doit exercer ses pleins pouvoirs pour marquer son autonomie.
Face à l’omniprésence du géant américain et l’establishment canadien qui privilégient le libéralisme économique et de la nécessité de pouvoir compter sur l’investissement étranger pour développer les richesses naturelles, l’État québécois se doit d’interagir avec doigté et rigueur avec ses partenaires. Prenant comme exemple le refus de son partenaire canadien, le Québec a du, par le passé, se tourner vers le pays voisin (les États-unis) pour trouver le financement nécessaire à la nationalisation des producteurs d’électricité afin de pouvoir agir d’une manière autonome sur le développement de sa plus importante ressource d’énergie, l’hydro-électricité. On faisait ainsi la démonstration qu’il est possible de se prendre en main pour offrir au peuple québécois la possibilité de grandir et de se développer. On faisait également la démonstration qu’il est possible de négocier des arrangements au mieux de ses intérêts avec des états étrangers.
L’action
La nature profonde d’une individu l’amène à être confiant ou méfiant, réfléchi ou impulsif, acteur ou spectateur. Puis cette individualité est façonnée par l’expérience jugée positive ou négative pour lui-même et pour les autres.
La confiance chez l’individu est tributaire des encouragements et des appuis reçus par ses parents et tuteurs durant son enfance et son adolescence. Le peuple québécois, marqué par une succession de générations placées dans un état de servilité alors que le message « né pour un p’tit pain » s’inscrivait dans les cerveaux, doit trouver le courage d’admettre cette réalité pour se guérir et atteindre la maturité nécessaire pour réaliser l’indépendance.
Décider de son autonomie doit être un geste réfléchi. Il importe que chaque citoyen comprenne les enjeux en présence. Il importe de parler d’indépendance. Affirmer que le peuple ne veut plus en entendre parler, c’est faux car ce serait affirmer que le peuple québécois refuse son autonomie. Cette idée est ridicule tant cette aspiration est inscrite dans les gênes de chaque individu. Si la décision ne s’est pas prise à ce jour, c’est que le peuple n’est pas encore prêt.
D’aucuns prétendent qu’elle ne se fera jamais car les nouveaux citoyens issus de l’immigration vont toujours voter contre ; il y a là une réalité qu’il faut tenir compte. Comment l’immigrant peut-il présentement s’identifier clairement à sa nation d’accueil alors que la nation québécoise est trop imprécise, écartelée elle-même dans son appartenance nationale et confuse par rapport à sa citoyenneté ? Bien que le peuple québécois constitue une nation en soi, elle ne l’est pas au sens politique et le passeport est canadien. Que cherche l’immigrant, celui qui a choisi de vivre sa vie, d’élever sa famille au cœur d’une nouvelle nation ? Il recherche d’abord un accueil inclusif, paisible et chaleureux, puis espère avoir les mêmes libertés citoyennes et opportunités économiques offertes à tous les québécois, situations qui lui faisaient probablement défaut et qui l’incitaient à quitter son pays d’origine. Le Québec doit démontrer par la force de ses institutions, le sentiment d’appartenance québécoise de ses leaders politiques et économiques, ses encadrements légaux qui touchent spécifiquement la langue, la laïcité, les arts, l’éducation et l’immigration qu’il est une nation à part entière respectueuse des différences. Une fois la démonstration faite, on peut croire que les nouveaux arrivants adopteront le Québec comme nation et appuieront le projet d’indépendance.
Certains affirment que l’indépendance, c’est l’affaire de la génération des « boomers » et que cette idée va s’éteindre avec eux. Ils soutiennent que le peuple est saturé des débats constitutionnels qui mènent nul part et ne font qu’entretenir la confusion. Pour aspirer à son indépendance, le Québec doit inspirer sa jeunesse en se concentrant sur les enjeux fondamentaux soit sa vision d’avenir, l’éducation de sa jeunesse et le contrôle de ses finances. Le Gouvernement du Québec doit continuer à encourager la collaboration entre les différents partenaires de toute tendance idéologique en évitant de se laisser diviser sur des débats extrémistes gauche/droite qui ramènent toutes les problématiques à des question fédéraliste/indépendantiste, de clivage linguistique ou encore d’idéologie économique. Le peuple québécois attend de ses leaders qu’ils proclament leur nationalisme et qu’ils tiennent des débats matures évitant les invectives vicieuses qui ont pour conséquence d’amenuiser la confiance du peuple dans ses élites à mener à bien le projet d’indépendance. Il importe de mettre sur la table tous les faits et arguments pour et contre. Connaissant la fragilité du sentiment québécois associé à son histoire de subordination, il faut contrecarrer l’interférence des intervenants extérieurs qui ont jusqu’ici fait dévier le débat avec des arguments de peur et des menaces de représailles.
Il y aussi a une franche importante de la population qui sont des spectateurs passifs ; il s’agit parfois d’un événement spectaculaire pour réveiller un profond sentiment d’appartenance nationale. Le résultat du référendum de 1995 en est un argument éloquent.
L’histoire démontre que les représentants du Québec ont joué un rôle actif dans l’établissement du Canada actuel. Il est facile de comprendre ceux parmi les nôtres qui souhaitent maintenir le Canada dans sa forme actuelle. Ils doivent aussi comprendre que cette contribution n’est pas perdue ; elle a également servi le Québec dans l’établissement de rapports amicaux avec le reste du Canada. Mais, l’attitude de l’establishment canadien, bien qu’elle se soit assoupli par les efforts répétés des représentants du Québec (particulièrement par les interventions du Bloc québécois), demeure une approche de dominant-dominé. Des faits passés et des faits plus récents (Décisions de la Cour Suprême en rapport avec l’application restrictive de la loi 101, Loi sur la clarté référendaire, Projet du Bas Churchill, Contrôle des armes à feu, etc.) démontrent le presque mépris des autorités politiques fédérales pour les orientations, les prises de position et les décisions votées unanimement par l’Assemblée nationale du Québec.
Une partie de la population québécoise est amenée à croire à cette illusion du Canada « coast to coast ». Chez un individu, les docteurs Pierre-B Lesage et Judith Rice-Lesage qualifierait ce type de personnalité « d’externe-confiant » (Voir Revue Gestion, volume 7, numéro 4 novembre 1982). Selon l’approche psychologique soutenue, les personnes appartenant à cette catégorie vivent avec l’absence de cette peur constante d’être exploitées (les confinant dans une espèce de déni) parce qu’elles sont convaincues que les gens puissants (lire supériorité démographique, pouvoir et argent) sont généralement bien intentionnés. Ces citoyens sont alimentés par des porte-paroles qu’on retrouve principalement chez certains hommes d’affaires bien intéressés et principalement chez certains éditorialistes et chroniqueurs fédéralistes. Il importe alors de confronter ces leaders d’opinion sur la rigueur de leur argumentation et l’authenticité de leurs propos.
Des statistiques nous rapportent que les francophones sont proportionnellement moins enclins à valoriser l’éducation. En 2010, chez les 25-34 ans québécois, 24,8% des francophones avaient un diplôme universitaire. C’était le cas de 34,9% des anglophones... et de 37,4% des allophones. Les « boomers » québécois ont bénéficié de la création du Ministère de l’éducation et de la vision de Paul Gérin-Lajoie en matière d’éducation au Québec. La majorité des gestionnaires francophones d’entreprises et d’organismes en âge de prendre leur retraite aujourd’hui font partie de la génération de la première grande couvée de diplômés des universités. Alors que chez les anglophones, cette tradition était bien installée depuis fort longtemps. Ces statistiques révèlent également une progression étonnante considérant, qu’il y a à peine plus de 50 ans, seule une élite minoritaire avait accès aux études supérieures. Ainsi, la partie éduquée de la génération québécoise des « boomers » a mis en priorité la formation académique de leurs enfants mais elle n’est pas encore majoritaire, il faut en convenir. Alors tout justifie qu’on persiste à prioriser le système éducatif en l’adaptant aux tendances nouvelles de l’évolution technologique. Ceci dit, le « printemps québécois » 2012, symbolisé par le carré rouge, a révélé au peuple une nouvelle génération avec un caractère d’acteur plutôt que spectateur, intelligente, informée, avec une argumentation rigoureuse et respectueuse des valeurs démocratiques, qui souhaite réformer la façon de faire de la politique. Il faut éviter d’agir d’une façon répressive avec eux mais plutôt les encourager et les guider objectivement. Puis, il appartiendra à cette jeunesse de décider d’un avenir où ils pourront s’affirmer distinctement ou pas.
À entendre encore aujourd’hui des citoyens du reste du Canada poser la question « pourquoi les québécois veulent-ils tant parler français ? », on se rend bien compte qu’ils sont dépourvus et inconscients du fait qu’ils leur manquent un ingrédient essentiel pour exister comme nation distincte. Ils devraient pourtant comprendre, eux qui ont du mal à se définir par rapport à l’omniprésence de la culture américaine, que pour le peuple du Québec, l’attachement à la langue française représente un atout extraordinaire et un ancrage vital qui lui permet de s’affirmer distinctement en Amérique du Nord et sur les tribunes internationales.
La supériorité démographique de l’Amérique du Nord anglophone ramène les Québécois au statut de minoritaire. Ce constat est préjudiciable et mine la confiance. La seule façon de conjurer cette perception, c’est par l’affranchissement. Les Québécois doivent dorénavant se sentir majoritaires dans leur pays. Une fois l’indépendance acquise, chaque citoyen du Québec pourra faire valoir sa vision du Québec avec les valeurs démocratiques qui ont toujours été les siennes. Les citoyens du Québec pourront faire valoir leurs idées en votant pour les partis politiques représentant mieux leurs aspirations en dehors du carcan des débats fédéral/provincial puis l’État pourra alors créer des alliances stratégiques avec des partenaires extérieurs qui reconnaîtront le droit d’exister du Québec comme pays.
Conclusion
Affirmer son nationalisme est un premier pas, le second est affirmer sa volonté d’être indépendant et le troisième est de passer à l’action en proclamant la souveraineté. Plusieurs ont dénoncé cette approche étapiste mais elle est essentielle dans une société démocratique comme la nôtre.
Plusieurs hésitent actuellement à proclamer leur nationalisme de peur d’être étiqueté à une tendance idéologique ou une autre. On tente souvent d’associer le nationalisme québécois à des peurs d’un ennemi et à la volonté de se retrancher dans ses valeurs puis de s’isoler. Mon nationalisme s’appuie sur l’unité historique, culturelle et linguistique pour s’ouvrir vers le monde.
La volonté affirmée d’être indépendant fournit un élan, un objectif rassembleur. Dans le contexte mondial, alors que les enjeux sont axés sur la connaissance et le respect des particularités régionales, je crois que cette idée pourrait être mieux reçue par le reste du Canada d’autant qu’il existe cette même aspiration dans l’Ouest du Canada. Le contexte de 1980 et 1995 était axé sur l’affrontement ; alors il aurait été difficile de négocier avec des parties à l’esprit étroit et revanchard de part et d’autre. Aujourd’hui, alors que l’élite québécoise se cherche, je me plais à penser qu’au Québec, la relance de l’idée de créer un nouveau pays mobiliserait les forces vives et les stimulerait pour assurer la prospérité future du Québec. On voudra alors apporter une vision nouvelle suite à un questionnement en profondeur où le citoyen sera mis à contribution en toute transparence. La formation de la jeunesse et le partage des connaissances devront alors être la priorité. Bien expliqué, cela serait ressenti positivement par le reste du Canada puis il est également permis de croire que cela pourrait être stimulant pour eux aussi. À la fin, on pourrait aborder la question de la souveraineté avec respect.
À ce point-ci, la différence entre un nationaliste-fédéraliste et un nationaliste-indépendantiste devient une question de confiance. Pour ma part, je suis davantage confiant que le développement de la nation québécoise sera mieux assurée par la souveraineté du Québec.
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