Un jour, j’irai vivre en Théorie parce qu’il paraît qu’en Théorie, tout va bien. (Les mots surpendus)

mardi 4 février 2014

Des questions à la juge France Charbonneau

Robert Barberis-Gervais
Madame la juge,
Puisque vous avez une réputation de rigueur et d’efficacité, j’espère que vous recevrez mes remarques avec ouverture d’esprit. Comme vous avez enseigné pendant dix ans à l’Ecole du Barreau et aussi à l’Université Laval, je pourrais vous donner du « chère collègue ». Comme Procureure de la Couronne, vous avez gagné 81 procès sur 82 pour meurtre et vous avez fait condamner Maurice « Mom » Boucher. Ces états de service méritent le respect.
Il faut d’abord vous corriger sur la notion de blasphème. L’écoute électronique vous oblige à endurer les nombreux sacres entendus lors des conversations téléphoniques enregistrées par la police. Votre dernier témoin Michel Arsenault en a été friand. Lors d’une mise au point, vous avez demandé à un de vos procureurs de ne pas répéter ce que vous avez appelé « des blasphèmes ». Or, il y a une énorme différence entre un sacre et un blasphème. Il y a un article amusant de Wikipedia sur les sacres qui décrit toutes les variations de ces interjections qui expriment des émotions comme la colère ou la stupéfaction. Les sacres témoignent de la culture québécoise catholique. Or, un blasphème est une parole qui outrage la divinité ou la religion. Il y a une intention de profanation religieuse dans le blasphème. Au Québec, les blasphèmes sont extrêmement rares. Je puis vous assurer que dans la conversation entre Tony Accurso et Michel Arsenault où ils déplorent violemment que le contrat d’ingénierie de 35 millions du prolongement de l’autoroute 30 ait été donné à des étrangers, il n’y a aucun blasphème. C’est la ministre libérale Monique Jérôme-Forget qui a provoqué les sacres qui expriment une colère. Donc, votre honneur, ne parlez pas de blasphèmes quand vous exprimez votre déplaisir devant des sacres.
Deuxième correction. Pour affirmer l’autorité de la commission et pour blâmer le plus sévèrement possible Michel Arsenault, vous avez répété que le Fonds de solidarité est un organisme public à cause des crédits d’impôts. Or, il a fallu que le chef syndical vous explique à deux reprises que le Fonds de solidarité appartient à ses 625,000 actionnaires-épargnants. Le seul fait qu’il ait eu à répéter que le Fonds de solidarité n’est pas un organisme public montre que vous avec tendance à vous camper sur vos positions même quand vous avez tort. Les banques ou les entreprises ont de nombreux avantages fiscaux : cela n’en fait pas des institutions publiques. Ce qui vous a fort bien été expliqué par Michel Arsenault et deux fois plutôt qu’une. Qu’est-ce qui vous a empêché de lui donner raison ? Est-ce votre antipathie pour le témoin, votre manque d’impartialité ou votre anti-syndicalisme ? Je pose la question.
Troisièmement, je ne suis pas avocat mais je connais la notion de témoin hostile. Pendant vos quatre derniers jours d’audience, nous avons vu avec consternation une procureure hostile et une juge hostile. Au début de l’interrogatoire, Me Sonia Lebel a interrompu le témoin qui décrivait son passé syndical en lui disant : « Je peux aller prendre un café et revenir tantôt, si vous voulez… » Puis, elle a claqué des doigts deux fois pour attirer l’attention du témoin qui pourtant s’adressait à vous madame la juge. Vous n’auriez pas dû laisser passer ces marques flagrantes d’incivilité comme l’a noté Pierre Godin (Voir sur la Tribune libre du 31 janvier 2014 : « L’arrogance de la procureur et de la juge en disent long »). Non seulement c’est de l’incivilité, mais c’est de l’hostilité pure et simple que vous avez entérinée en n’intervenant pas. Vous avez été complice de ce mépris. Vous avez agi comme si le président du plus grand syndicat du Québec en même temps président du Fonds de solidarité qui est rendu avec un actif de 9.7 milliards et qui a sauvé ou créé 500,000 emplois en 50 ans d’existence ne méritait aucun respect parce qu’il y avait deux pommes pourries à la FTQ-Construction et qu’il fréquentait assidument Tony Accurso qui lui a fait quelques cadeaux.
Parlant de la procureure Sonia Lebel, quand elle n’était pas satisfaite des réponses du témoin, elle reprenait la question. Obliger un témoin à répéter cinq fois une réponse, c’est lui manquer de respect. C’est arrivé de multiples fois. Je ne prendrai qu’un exemple. Michel Arsenault a dû « faire avec » Jocelyn Dupuis et Jean Lavallée qui étaient entourés de personnages louches ainsi qu’avec un « loose canon » comme Ken Pereira qui n’est pas à l’aise en français. A propos d’une offre de pot-de-vin de 300,000$ répandue par Ken Pereira, Michel Arsenault a expliqué avoir dit à propos d’un dossier toxique : « On mettrait 300,000$ sur la table que je refuserais de défendre ce dossier ». Ken Pereira dont la connaissance du français est fort approximative et qui grimpe facilement dans les rideaux a mal compris. Michel Arsenault a été obligé de répéter quatre fois qu’il n’avait pas reçu d’offre de pot-de-vin de 300,000$. Est-ce normal ? A un moment donné, votre honneur, vous avez dit à Me Lebel d’arrêter de se répéter. Vous auriez dû le faire plus souvent.
Une remarque sur l’écoute électronique. Un si grand nombre d’heures d’écoute vous donne un avantage énorme sur un témoin. Vous et votre procureure avez exploité au maximum cet avantage. Connaissez-vous quelqu’un dans la société, peu importe l’importance de sa fonction, qui a exactement le même langage en privé qu’en public ! Le simple citoyen que je suis a un doute sur la légitimité de cette autorisation donnée par un juge à la police de faire de l’écoute électronique des conversations du président de la plus grande centrale syndicale au Québec. La police a fait une descente au Parti libéral qui a été gardée cachée pendant la campagne électorale. Par ailleurs, il est prouvé que la police a fait le jeu de Jean Charest pendant la crise étudiante. C’est un mythe que de dire que la police et les juges ne font pas de politique. Je pense que ce fut une décision politique que d’autoriser l’écoute électronique de Michel Arsenault qui n’a été accusé d’aucune malversation.
Je vous laisse sur une citation de Montaigne qui écrivait : « Tel a été miraculeux au monde, auquel sa femme et son valet n’ont rien vu seulement de remarquable. Peu d’hommes ont été admirés par leurs domestiques ». (Montaigne, Essais, 1588, Livre III, Chapitre 2 : Du repentir.)
Avez-vous remarqué que les médias ont accordé de l’importance à l’interrogatoire d’une heure de l’avocat du Parti libéral Me Michel Décary et ont négligé de résumer les informations détaillées fournies pendant une heure par l’avocate du Parti québécois sur l’investissement de la SOLIM dans Capital BLF alors présidé par Claude Blanchet, le mari de Pauline Marois ? C’est de la manipulation inacceptable dans une société démocratique. J’en profite pour vous dire que c’est la présence de Pauline Marois en politique qui nuit aux affaires de son mari Claude Blanchet. On pense à tort que c’est le mari qui nuit à sa femme. Et bien, c’est le contraire qui est vrai.
Madame la Juge, avec votre passé remarquable, on a le droit de s’attendre à ce que vous soyez impartiale. Je vous le souhaite quand vous traiterez des contrats du Ministère des transports et que vous confirmerez les révélations du rapport Duchesneau selon lesquelles la collusion a coûté des milliards de dollars...de fonds publics...
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