Un jour, j’irai vivre en Théorie parce qu’il paraît qu’en Théorie, tout va bien. (Les mots surpendus)

mardi 15 mars 2016

L'amour virtuel est-il possible?

http://www.lexpress.fr/styles/psycho/videos-l-amour-virtuel-est-il-possible_1493666.html
Dans "Her", avec Joaquin Phoenix, le cinéaste Spike Jonze se penche sur l'amour virtuel.

Wild Bunch Distribution
Dans Her, Spike Jonze pose la question de l'amour virtuel. Peut-on vraiment s'épanouir dans une relation à travers écrans interposés? Le psychanalyste Pascal Couderc nous répond.

"Est-ce que j'entretiens cette relation parce que je suis incapable de vivre une véritable histoire d'amour?" La question taraude Theodore Twombly, le héros de Her, alors qu'il tombe amoureux de Samantha... un programme informatique. Après la mélancolie de l'enfance avec Max et les maximonstres, Spike Jonze se penche dans son nouveau film sur l'amour entre un homme et une entité virtuelle. Le cinéaste américain met en scène un Joaquin Phoenix névrosé à souhait, dans un futur proche où la technologie est si sophistiquée qu'elle offre une alternative plus que tentante à la solitude.

Quand Theodore sourit béatement dans la rue ou sur la plage à son téléphone portable -grâce auquel il communique avec Samantha-, on ne peut s'empêcher de penser à Sal 9000. Souvenez-vous: ce Japonais s'était marié -symboliquement- en 2009 à Nene Anegasaki, petite-amie virtuelle de son jeu de simulation de drague. "Je comprends à 100% qu'il s'agit d'un jeu vidéo, avait-il affirmé à CNN. Nene est juste mieux qu'une vraie copine. Elle ne s'énerve pas quand je mets du temps à lui répondre. Enfin si, elle s'énerve, mais elle me pardonne vite."
8000 messages échangés avec un inconnu

Sans aller aussi loin que Sal 9000, est-il vraiment possible de tomber amoureux de quelqu'un que l'on n'a jamais vu? Les créateurs de sites de rencontre, qui pullulent sur la Toile, en semblent convaincus. Et ce ne serait pas si surprenant pour ceux qui ont grandi avec Internet et appris à tisser des liens avec les autres via Facebook, Twitter ou Instagram, explique Pascal Couderc, psychanalyste et auteur de L'amour au coin de l'écran (Albin Michel, 2012): "Les réseaux sociaux font partie du quotidien des jeunes générations, de leur vie sociale et amoureuse. Regardez ce qu'est un 'ami' aujourd'hui!"

L'une de ses patientes dit avoir échangé, durant ses trois semaines de congés, au moins 8000 messages avec un jeune homme rencontré sur Internet. "Elle m'a confié qu'elle avait eu l'impression d'avoir 'passé ses vacances' avec lui." Matthieu*, lui, avait 20 ans quand il a fait la connaissance de Sarah sur "un forum culturel", il y a quelques années: "Dès le premier soir, on est restés des heures en ligne, d'environ 19 heures à 6 heures du matin. D'autres soirées comme celle-là ont passé durant un mois, jusqu'à ce qu'elle disparaisse des écrans pendant plusieurs jours de suite. J'étais complètement désemparé." Au royaume du virtuel, difficile parfois d'échapper à l'addiction.
"Une mise en scène de l'identité"

Si contrairement à d'habitude, le jeu de séduction ne fait pas appel aux sens, Pascal Couderc rappelle que "les mots sont des caresses. En plus agréables encore, car celui qui les lit les traduit selon ses désirs." C'est de cette façon que le mécanisme de l'illusion se met en place. "Avant de sortir, on va passer un moment dans la salle de bains pour s'apprêter. On fait la même chose sur Internet, sauf que ce n'est pas seulement une mise en scène de l'image, mais de toute l'identité." Le selfie, allégorie parfaite de ce phénomène, est devenu si courant que le terme a été sacré mot de l'année 2013.

"En face, l'autre va pouvoir embellir encore cette image avec ses propres attentes, poursuit le psychanalyste. Sur Internet, c'est la conjugaison de deux idéaux -la personne que l'on aimerait être, et celle que l'on aimerait que l'autre soit- qui fait naître des sentiments amoureux." Caroline, étudiante à l'université, se dit "littéralement obsédée par un garçon à qui [elle n'a] jamais parlé", croisé à la rentrée sur les bancs de l'amphithéâtre. Elle ne le connaît pas, mais elle est persuadée qu'ils sont "des âmes soeurs". "J'ai passé en revue (et retenu) toutes les pages qu'il aime sur Facebook. Plus j'obtiens d'informations sur lui, plus je me dis qu'on est fait l'un pour l'autre... Tout ce que je ne connais pas, je le cherche sur le Net et j'apprends à l'aimer moi aussi", détaille la jeune femme.
"Cette relation n'est pas basée sur la réalité"

Le piège pour Pascal Couderc, c'est que "cette relation n'est pas basée sur la réalité. Et sur le Web, on ne peut avoir aucune certitude sur qui on tombe." En témoignent les nombreuses discussions sur les forums entre escroqués de l'amour, qui ont fini par expédier de l'argent à un amant ensuite évanoui dans la nature. Nev Schulman, photographe new-yorkais de 24 ans et star du film Catfish, a d'ailleurs fait de l'usurpation d'identité virtuelle son cheval de bataille. Dans Catfish: fausse identité, l'émission de télé-réalité déclinée du long-métrage diffusée sur MTV et D17, il s'attache à démasquer les internautes qui jouent un rôle pour mieux séduire. Justicier 2.0 au brushing parfait, le jeune homme confronte ces "catfish" devant les caméras -ce qui se résume bien souvent à l'humiliation sensasionnaliste d'ados mal dans leur peau.
L'amour en ligne ne touche pas que la génération Y. Maria*, 48 ans, "parle du matin au soir par SMS et Facebook Messenger" à quelqu'un pour qui elle a eu "un coup de foudre, sur un jeu de cartes de contrée en ligne". "Je fais bien la différence entre le virtuel et le réel, précise-t-elle, mais je n'ai jamais ressenti cela pour un homme, même pour le père de mes enfants." "Internet est un formidable outil pour les timides, les gens qui sont angoissés par l'autre et ont peur du contact, souligne Pascal Couderc. L'écrit permet de contrôler ce qu'on échange, on peut effacer dix fois un message et le réécrire avant de l'envoyer."



Dans Her, Spike Jonze insiste sur la timidité et la douleur de son personnage principal -un écrivain!- après une rupture -douleur qui le pousse à préférer l'imaginaire au réel. "On veut tous être aimé pour nous-mêmes mais en même temps, on en a peur. Et pourtant, quand on tombe amoureux, c'est à chaque fois ce risque-là que l'on prend", avait déclaré le cinéaste à propos du film au Festival international du film de Rome, en 2013.
"Après 15 jours, il faut basculer dans la vraie vie"

Rassurante, la relation au travers d'écrans atteint ses limites quand apparaît le désir de sexualité, selon le psychanalyste. "Enfermés dans le virtuel, les échanges s'appauvrissent. Les rapports sexuels ne peuvent être que de la masturbation à deux, jamais plus." Pour autant, Pascal Couderc concède que ce genre de relation peut être bénéfique lorsqu'elle est pensée "comme un préliminaire": "Après 15 jours, il faut basculer dans la vraie vie." Car de toute façon, l'écran ne prévient pas des risques d'une histoire IRL. Selon lui, une déception amoureuse serait d'autant plus difficile qu'elle est virtuelle: "Le deuil est plus compliqué, car quand on perd l'autre, on ne perd pas vraiment quelqu'un. Ce qui disparaît, c'est une partie de soi-même que l'on s'était évertué à construire."

http://www.aufeminin.com/vie-de-couple/amour-virtuelle-amour-virtuel-en-ligne-s695807.html

* Les prénoms ont été changés.
Sites de rencontres, services de messagerie instantanée, chat, webcam etc… La technologie s’est mise au service des relations amoureuses. Quelle lecture la psychologie peut-elle apporter sur ce phénomène ?

Un nouveau rapport au temps
Ces dernières années, les temps sociaux se sont considérablement restreints. Partout les rythmes se sont accélérés, contraignants chacun à la culture de l’immédiateté, réduisant les espaces de paroles et les moments de détente. Dans le même temps, l’avènement des nouveaux moyens de communication a profondément modifié les relations humaines en supprimant la nécessité du face à face. Nous sommes désormais tous joignables à n’importe quel moment et en n’importe quel lieu, au travers de nos téléphones et d’Internet.

La transformation de notre rapport au temps et la facilité avec laquelle nous pouvons désormais entamer et rompre une conversation, loin de se restreindre au champ de l’amical, envahit désormais les relations amoureuses, pourtant naturellement conditionnées à la rencontre physique et à des temps de découverte progressive de l’autre.
Les amours virtuelles : une idéalisation renforcée

La rencontre amoureuse se traduit par une idéalisation de l’être aimé qui est perçu comme parfait, parfait pour soi s’entend. Cette phase, si elle est nécessaire et bien agréable, peut toutefois s’avérer un frein au développement d’un lien durable entre les deux partenaires.

Dans les premiers temps, l’espace amoureux n’est ni tout à fait réel, ni tout à fait imaginaire, il se situe au milieu, entre les ressentis et les résonances entre les deux inconscients. C’est l’entrée du couple dans la réalité quotidienne (ce que les psychologues nomment le principe de réalité) qui permet à chacun de se libérer de la fusion, de retrouver ses propres intérêts, de répondre à ses besoins, tout en construisant avec l’autre un espace commun fait de tendresse, de soutien et de compromis.
L’amour virtuel renforce obligatoirement la nature irréelle de la relation et risque ainsi de maintenir les partenaires dans une idéalisation de l’autre. Ce risque se trouve renforcé par l’effet d’image de soi que chacun peut transformer à sa guise par une simple modification de son profil.
La crise dans les amours virtuelles

La crise fait partie de la vie normale de la relation amoureuse, elle est d’ailleurs nécessaire à son dynamisme et reflète l’évolution du duo en parallèle de celui des partenaires. Elle permet au couple de se reconstruire, de se réinventer.

Les amours virtuelles sont avant tout synonymes de confort pour leurs adeptes. Tout d’abord par le choix du partenaire qui est pré-sélectionné sur la base d’un certains nombres de critères, ensuite par la nature ‘temporaire’ de la relation qui n’existe finalement que durant les temps de connexion : une fois l’ordinateur éteint, la personne reprend seule le cours de sa vie. Dans ces circonstances, il semble bien difficile d’entrevoir les différentes phases de la crise, alors qu’il est si facile d’éteindre son ordinateur ou son téléphone plutôt que d’accepter des compromis.


Angoisse de l’absence vs angoisse d’intrusion
Le couple, on le sait, est une protection contre la solitude, contre la crainte de devoir faire face seul(e) aux difficultés. Il est donc une tentative pour chacun d’entre nous, de retrouver le cadre bienveillant et sécurisant de la mère. Les amours virtuelles ne peuvent en aucun cas répondre à cette fonction et peuvent même, à l’inverse, provoquer une réactivation de l’angoisse de la perte et du vide (qui constitue l’une des deux angoisses fondamentales du Moi).

L’amour virtuel peut également représenter une garantie pour tous ceux qui perçoivent l’amour comme un danger pour leur bien-être et leur liberté. Certains souffrent en effet d’une perturbation du lien à l’autre et peuvent craindre d’être blessés, manipulés ou influencés par un éventuel partenaire (la crainte d’être influencé, c'est-à-dire la peur d’intrusion est la seconde angoisse fondamentale du Moi).
Pour ces personnes, la construction d’un amour virtuel peut apparaître comme une solution pertinente mais elle ne sera que le camouflage d’une problématique profonde qui devra être traitée pour envisager la construction d’une famille.

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