Le
11-Septembre et l’Arabie saoudite au coeur de 28 pages censurées d’un
rapport gouvernemental ; des congressistes militent pour leur
publication.
Par Jamie Reno pour l’International Business Times, le 9 décembre 2013
Traduit par Buzz pour ReOpenNews
Depuis que des terroristes ont attaqué
les États-Unis le 11 septembre 2001, des proches de victimes, des
survivants et des gens de médias ont tous essayé, avec assez peu de
réussite, de découvrir la véritable nature des liens entre les 19
pirates – dont 15 étaient de nationalité saoudienne – et le gouvernement
saoudien. Plusieurs organes de presse ont rapporté que certains des
terroristes avaient des liens avec la famille royale saoudienne et
qu’ils auraient peut-être même reçu un soutien financier de leur part
ainsi que de mystérieux et fortunés Saoudiens vivant à San Diego.
L’Arabie saoudite a démenti tout lien à
maintes reprises, et ni le président George W. Bush ni le président
Obama n’ont pris d’initiative sur le sujet.
Mais plus tôt cette année, les
représentants Walter B. Jones (Républicain de Caroline du Nord) et
Stephen Lynch (Démocrate du Massachusetts) ont pu avoir accès aux 28
pages expurgées de l’enquête conjointe des comités du renseignement
(JICI) sur le 11-Septembre publiée fin 2002, qui pourraient détenir
quelques réponses sur l’implication saoudienne dans les attentats.
"J’ai été absolument choqué par ce que
j’ai lu," déclara Jones au International Business Times. "Ce qui m’a
vraiment surpris, c’est que ceux en qui nous pensions pouvoir faire
confiance m’ont réellement déçu. Je ne peux pas en dire davantage. Il
m’a fallu prêter serment afin de garder confidentiel ce que j’ai lu.
Mais les informations que j’ai lu m’ont profondément déçu."
Le public aussi pourrait bientôt être
amené à voir ces documents secrets. La semaine dernière, Jones et Lynch
ont présenté une résolution exhortant le président Obama à déclassifier
les 28 pages qui furent classifiées à l’origine par le président George
W. Bush. La raison pour laquelle ces pages furent censurées n’a jamais
été pleinement expliquée, mais le président Bush a déclaré en 2003 que
la publication de ces pages enfreindrait la sécurité nationale.
Alors que ni Jones ou Lynch ne peuvent
dire ce que contient ce document, certaines informations ont fuité au
cours des années. Une multitude de sources ont rapporté à IB Times,
confirmé par de nombreux articles de presse dans Newsweek, le New York
Times, CBS News et d’autres ces dernières années, que les 28 pages
décrivent en fait clairement que le gouvernement saoudien a eu tout au
moins un rôle indirect en soutenant les terroristes responsables des
attentats du 11-Septembre. En outre, ces pages classifiées éclaircissent
quelque peu les liens entre les pirates et au moins un employé du
gouvernement saoudien vivant à San Diego.
L’ancien sénateur Bob Graham (Démocrate
de Floride) qui présida l’enquête conjointe en 2002 et réclame depuis
plus de transparence sur le 11-Septembre, n’a jamais compris pourquoi
les 28 pages furent censurées. Graham a raconté à IB Times que, d’après
son implication dans l’enquête et sur les informations désormais
classifiées dans le document que son comité a produit, il est convaincu
que "le gouvernement saoudien soutenait sans aucun doute les pirates qui
vivaient à San Diego… Il est impossible que 19 personnes puissent vivre
aux États-Unis pendant presque deux ans pour certains, qu’ils prennent
des cours de vol et fassent d’autres préparatifs, sans que quelqu’un ne
paye pour cela. Mais je pense que ça va bien au-delà. Les agences de la
CIA au FBI ont étouffé ces informations pour cacher les faits aux
Américains."
Jones insiste sur le fait que publier les 28 pages secrètes n’enfreindrait pas la sécurité nationale.
"Cela ne concerne pas en soi la sécurité
nationale ; c’est plutôt une histoire de relations," dit-il. "Les
informations sont capitales à l’avancement de notre politique étrangère
et devraient par conséquent être disponibles auprès du peuple américain.
Si les pirates du 11-Septembre ont reçu une aide extérieure – en
particulier venant d’un ou plusieurs gouvernements étrangers – la presse
et le public ont le droit de savoir ce que notre gouvernement a fait ou
non pour rendre justice à leurs auteurs."
Il fallut à Jones six semaines et
plusieurs lettres au comité du renseignement du Sénat avant que les
pages classifiées du rapport du 11-Septembre lui soient fournies. Jones
fut si stupéfié par ce qu’il a vu qu’il approcha le représentant Lynch,
lui demandant de regarder également les 28 pages. Il savait que Lynch
serait abasourdi par le contenu des documents et se joindrait peut-être à
une tentative bipartisane pour faire déclassifier ces documents.
"Il est revenu vers moi il y a une
semaine environ et m’a dit que lui aussi était très choqué par ce qu’il
avait lu," raconte Jones. "Je lui ai dit que nous devions nous unir et
présenter une résolution, et obtenir l’implication d’autres membres des
deux partis pour demander à la Maison Blanche d’autoriser la publication
de ces informations auprès du public. Le peuple américain a le droit de
connaître ces informations."
Il y a dix ans, 46 sénateurs menés par
le sénateur Charles Schumer (Démocrate de New-York) avaient demandé dans
une lettre au président Bush qu’il déclassifie les 28 pages.
La lettre disait, en partie, "Il a été
largement rapporté dans la presse que les origines étrangères auxquelles
se réfère cette partie de l’étude de l’enquête conjointe demeure
principalement en Arabie saoudite. En conséquence, la décision de
classifier ces informations envoie un mauvais signal aux Américains sur
la politique antiterroriste de notre nation et donne l’impression qu’il
n’y aura pas de sanctions pour les complices étrangers des pirates.
Protéger le régime saoudien en écartant toute condamnation publique du
soutien apporté aux terroristes venant de ses frontières serait une
erreur… Nous insistons respectueusement auprès de vous pour déclassifier
la section de 28 pages traitant des sources de soutien étrangères aux
pirates du 11-Septembre."
Les sénateurs qui signèrent cette lettre
étaient, à l’exception du sénateur Sam Brownback (Républicain du
Kansas), tous Démocrates.
Lynch, qui remporta la primaire
démocrate pour son siège au Congrès ce jour fatidique du 11 septembre
2001, a déclaré à IB Times que Jones et lui sont en train d’écrire une
lettre à l’attention de leurs collègues appelant tous les membres de la
Chambre des représentants à lire les 28 pages et à se joindre à leur
initiative.
"Dès lors que les membres liront les 28
pages, qu’ils soient Démocrates ou Républicains, je pense qu’ils
arriveront à la même conclusion à laquelle Walter et moi sommes
parvenus, qui est que les Américains ont le droit de connaître ces
informations" a dit Lynch. "Ces documents parlent d’eux-mêmes. Nous
avons une situation où une enquête approfondie a été conduite, mais
l’administration Bush a alors décidé, pour on ne sait quelle raison,
d’expurger 28 pages du rapport. Je ne porte pas de jugement. C’était une
époque différente. Peut-être qu’il y avait des raisons légitimes de
garder cela classifié. Mais cette période est révolue depuis longtemps."
La plupart des liens présumés entre le
gouvernement saoudien et les pirates du 11-Septembre tournent autour de
deux étranges Saoudiens qui vivaient à San Diego : Omar al-Bayoumi et
Osama Basnan, qui ont tous les deux quitté les États-Unis depuis
longtemps.
Au début des années 2000, al-Bayoumi,
qui avait travaillé pour le gouvernement saoudien dans l’aviation civile
(une branche du département saoudien de la Défense), a invité deux des
pirates, Khalid Al-Mihdhar et Nawaf Al-Hazmi, à venir de Los Angeles à
San Diego. Il raconta aux autorités qu’il avait rencontré les deux
hommes par hasard en s’asseyant près d’eux dans un restaurant.
Newsweek rapporta en 2002 que
l’invitation d’al-Bayoumi fut présentée le même jour que son passage au
consulat saoudien de Los Angeles pour un rendez-vous privé.
Al-Bayoumi s’arrangea pour que les deux
futurs pirates vivent dans un appartement et paya 1500 dollars pour
couvrir les deux premiers mois de loyer. Al-Bayoumi fut brièvement
interrogé en Angleterre mais ne fut jamais ramené aux États-Unis pour
être questionné.
Quant à Basnan, Newsweek a rapporté
qu’il avait reçu chaque mois et pendant plusieurs années des chèques
d’un total de 73 000 dollars de la part de l’ambassadeur saoudien aux
Etats-Unis, le Prince Bandar, et de sa femme la princesse Haifa Faiçal.
Bien que les chèques étaient destinés à payer l’opération à la thyroïde
de la femme de Basnan, Majeda Dweikat, Dweikat signa nombre de ces
chèques en retour à la femme d’al-Bayoumi, Manal Bajadr. Cet argent se
serait retrouvé dans les mains des pirates de l’air selon le rapport du
11-Septembre.
Malgré tout cela, Basnan fut finalement autorisé à retourner en Arabie saoudite, et Dweikat fut expulsé en Jordanie.
Certaines sources et de nombreux
articles de presse suggèrent également que les 28 pages incluent plus
d’informations au sujet d’Abdussattar Shaikh, un informateur du FBI à
San Diego qui, comme le rapporta Newsweek, était ami avec al-Bayoumi et
invita deux des pirates basés à San Diego à habiter chez lui.
Shaikh n’a pas été autorisé par le FBI
ou l’administration Bush à témoigner devant la Commission du
11-Septembre ou l’enquête conjointe des comités du renseignement.
Graham note qu’il y a eu une importante
enquête relative au 11-Septembre à Sarasota en Floride, qui suggère
également un lien entre les pirates et le gouvernement saoudien dont la
plupart des Américains ne savent rien.
L’enquête, qui fut menée en 2002, était
centrée sur un millionnaire saoudien du nom d’Abdulaziz al-Hijji et sa
femme, Anoud, dont la villa appartenait au père d’Anoud al-Hijji, Esam
Ghazzawi, un conseiller du prince Fahd bin Salman bin Abdulaziz al-Saud,
le neveu du roi Fahd.
La famille al-Hijji serait partie de
leur maison de Sarasota et aurait brusquement quitté le pays dans les
semaines précédant le 11-Septembre, laissant derrière eux trois
luxueuses voitures et des affaires personnelles telles que des
vêtements, des meubles et de la nourriture périssable. Ils laissèrent
également allumé le circuit d’eau de la piscine.
De nombreux articles en Floride
ont rapporté que le registre des visiteurs de la résidence privée et
des photos d’identification de permis montrent que des véhicules
conduits par plusieurs des futurs pirates sont venus à la maison des
al-Hijji.
Graham a déclaré que, comme les 28 pages
de l’enquête du 11-Septembre, l’affaire de Sarasota est "dissimulée"
par les renseignements américains. Graham s’est battu pour obtenir du
FBI qu’il publie les détails de son enquête en s’appuyant sur la loi
pour la liberté de l’information (FOIA). Mais jusqu’à présent le bureau
[du FBI] s’est esquivé et emmuré, dit-il.
Lynch dit qu’il ne sait pas comment
l’administration Obama réagirait à la résolution du Congrès réclamant la
déclassification, si elle devait passer le Congrès et le Sénat.
"Mais si nous soulevons le problème et
arrivons à le faire lire par suffisamment de membres, nous pensons que
nous pouvons obtenir de la présente administration qu’elle revoie cette
question. Je suis très optimiste," dit-il. "J’ai déjà parlé à certains
de mes collègues démocrates et il y a de la réceptivité. Ils sont
d’accord pour y jeter un oeil."
Les employés de l’administration Obama
ont refusé de s’exprimer sur la résolution du Congrès ou sur la
classification de ces documents.
Les « familles du 11-Septembre unis pour
la justice contre le terrorisme » (JASTA), un groupe d’activistes
constitué de victimes de l’attaque, a demandé la déclassification des 28
pages depuis plus d’une décennie. Le groupe prévoit de contacter cette
semaine la sénatrice Dianne Feinstein (Démocrate de Californie),
présidente du comité au renseignement du Sénat, afin de l’inciter à
présenter une résolution similaire au Sénat.
Sharon Premoli, une rescapée du
11-Septembre membre de JASTA qui était au 80ème étage de la tour Nord au
moment de l’impact de l’avion, dit que Jones et Lynch "partagent nos
objectifs de recherche de la vérité derrière le 11-Septembre et de
traduire en justice ceux qui ont financé les attaques."
Premoli a déclaré que c’était un
"miracle" qu’elle ait survécu au 11-Septembre. "Je me suis retrouvée
ensevelie sous la poussière et sur un cadavre," dit-elle. "Cela me met
en colère de ne toujours pas savoir ce qu’il s’est passé ou qui
soutenait ces pirates. Le voile du secret doit être levé pour les
familles, les rescapés et pour le peuple américain."
En lien avec cet article :
- L’ex-sénateur Bob Graham dénonce les dissimulations du FBI, documents à l’appui par Dan Christensen et Anthony Summers, pour BrowardBulldog, février 2012
- 11-Septembre et la CIA : (1ère partie) La question des « échecs », intention ou incompétence ? par Kevin Fenton, BoilingFrogs, le 9 septembre 2011
- Le documentaire SecrecyKills est paru aujourd’hui, malgré les menaces de la CIA Communiqué de presse envoyé le 20 septembre 2011 par Ray Nowosielski, réalisateur
- Entretien avec Fabrizio Calvi par Taïké Eilée par Taïké Eilée sur Agoravox le 12 septembre 2011
- Arabie saoudite et 11/9:les grands médias reconnaissent le lien, par Russ Baker sur Whowhatwhy le 5 mars 2012
- Attentats du 11 septembre : les sénateurs US portent plainte contre Riyad ! Source : AlterInfo, le 3 mars 2012
- 11-Septembre : Deux anciens sénateurs US déposent sous serment et mettent en cause l’Arabie saoudite (+ Vidéo) paru dans le WashingtonsBlog, le 2 mars 2012
- The Telegraph : Un haut responsable de l’industrie pétrolière saoudienne basé à Londres serait lié aux pirates de l’air du 11/9 par Anthony Summers, Neil Tweedie, et Dan Christensen, The Telegraph, le 18 février 2012
- source
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