Une cascade de brouillard descend à toute allure de la
montagne, comme une avalanche. Cette vision digne d'un film d’horreur est
bien réelle et le phénomène est parfaitement naturel. Andrew Perry a été
témoin d’une telle scène le 20 août 2013 à Terre-Neuve. Retour sur cet
événement spectaculaire.
Le soulèvement orographique dont a été
témoin Andrew Perry est un effet de foehn extraordinaire. Ce type d'effet procure
aux particules d'air des propriétés particulières : lorsqu'elles redescendent
de façon adiabatique, elles se réchauffent tellement qu'il peut y avoir un
gradient de température supérieur à 10 °C entre le sommet et le pied de la
montagne. © Capture d'écran, Andrew Perry, YouTube
Une cascade d’eau, de glace ou même de boue géante, c’est
imposant et impressionnant. Mais lorsque cette cascade est constituée de brouillard,
cela en devient presque mystérieux. Le tableau a de quoi en effrayer plus d’un.
À Terre-Neuve, cette grande île du Canada qui
borde le golfe du Saint-Laurent, une cascade de brouillard a surgi par-dessus
les montagnes. Andrew Perry se trouvait sur place et rapporte en vidéo cet
événement tout à fait exceptionnel.
Le 20 août 2013, Andrew Perry a été témoin d'un soulèvement orographique tout à fait extraordinaire. La scène se déroule au pied des monts Long Range, dans l'ouest de Terre-Neuve. © Andrew Perry, YouTube
La vidéo décryptée : l’humidité part à l'assaut de
la montagne
Cette scène a tout du film d’horreur, où une brume opaque
s’engouffre dans un village reculé. Pourtant, il s’agit bien là d’un
phénomène météo tout à
fait naturel. Pour qu’il se produise, il faut une montagne, du vent et de
l’humidité. Ce 20 août 2013, Andrew Perry se trouvait au pied des montagnes qui
surplombe Lark Harbour, une petite ville côtière dans l’ouest de l’île de
Terre-Neuve. La baie, de l'autre côté des sommets par rapport à notre
observateur, était chargée d’humidité, le vent était favorable, et le
phénomène a pu s’amorcer.
Le brouillard s’est formé en raison de la grande quantité de
vapeur d’eau disponible dans la baie, qui donne sur le golfe du Saint-Laurent.
Pour le reste, c’est une histoire de soulèvement orographique.
Le vent a propagé l’air chargé
d’humidité depuis la baie vers les monts Long Range. Cette chaîne de montagnes
ne culmine qu’à 814 m, mais le relief est suffisant pour constituer une
barrière au vent. Face à cet obstacle, l'air humide s'élève et voit sa pression
et sa température diminuer. L'air froid retenant moins d'humidité que l'air
chaud, il peut arriver que la saturation soit dépassée lorsque de l'air
humide grimpe à plus haute altitude. La vapeur d'eau, alors, se condense
en gouttelettes minuscules : c'est un nuage, ou du brouillard s'il
se forme au niveau du sol.
Souvent, l’obstacle montagneux modifie l’écoulement
de l’air incident, qui arrive au flanc de la montagne. Andrew Perry
filme depuis l’autre côté du massif. Ce que l’on observe, c’est l’air qui
descend vers lui le long du relief, la baie étant de l’autre côté. Ceci se
produit lorsque l’air au-dessus de la montagne est stable. Dans ce cas de
figure, l’air qui était à l’origine au sommet de la chaîne descend de façon adiabatique,
c'est-à-dire sans échange de chaleur avec les alentours. Il se comprime et se
réchauffe beaucoup plus vite qu’il ne s’est refroidi. Dans ces conditions, le
brouillard finit par se dissiper, si bien qu’il ne dépasse pas le pied de la
montagne. L'avalanche n'engloutira
pas le vidéaste...
L’après-vidéo : du foehn sur les crêtes
Le soulèvement orographique peut se produire dès qu’un
obstacle suffisamment important contraint l'air à s’élèver. Mais
lorsqu’il s’agit d’une montagne, on parle de l’effet
de foehn. Historiquement, les premières descriptions viennent des Alpes,
mais on connaît ce phénomène dans toutes les montagnes du monde. En
Afrique du Nord, en Espagne et en Grèce, le courant atmosphérique qui se heurte
aux montagnes est le sirocco, et il s’agit du puelche dans les Andes.
Franchir la montagne confère à l’air des propriétés
particulières. Lorsque l’air subside (descend) de façon adiabatique, il se
réchauffe de façon extraordinaire. Au pied des Pyrénées, on a déjà
relevé des températures de l’ordre de 30 °C en plein hiver ! À
Saint-Girons (dans l’Ariège) par exemple, il faisait 31 °C le 29 février 1960
en raison de l’effet de foehn. On enregistre régulièrement des différences de
température de l’ordre de 10 °C entre le sommet et le pied de la montagne. Mais
on peut aussi observer une forte différence de température entre les deux côtés
de la montagne pour une même altitude. Sur la planète Mars, c'est un effet
de ce genre qui expliquerait la température légèrement supérieure à 0° C que le rover Curiosity a
relevé le jour au pied du très haut mont Sharp, alors que la nuit, le
thermomètre frisait les -80 °C.
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