Un jour, j’irai vivre en Théorie parce qu’il paraît qu’en Théorie, tout va bien. (Les mots surpendus)

mercredi 29 juin 2011

Ce charmant psychopathe : comment repérer les prédateurs sociaux avant qu'ils n'attaquent

Robert Hare
Psychology Today

Les psychopathes m’ont toujours intriguée.
Je savais que tous les psychopathes ne sont pas nécessairement des tueurs en série.
Nous en retrouvons partout dans notre société surtout au sommet des grandes entreprises.

Jeffrey Dahmer. Ted Bundy. Hannibal Lecter. Voici certains des psychopathes dont on voit le manque de conscience ahurissant dans les films et les tabloïdes. Cependant, comme le démontre nettement ce rapport, ces prédateurs, aussi bien hommes que femmes, hantent nos vies de tous les jours, au travail, à la maison et dans nos relations sociales. Voici comment les repérer avant qu'eux ne vous repèrent.

Elle l'a rencontré dans une laverie automatique à Londres. Il était ouvert et amical et ils se sont entendus tout de suite. Dès le départ, elle l'a trouvé hilarant. Bien sûr elle se sentait seule. Le temps était gris et humide, et elle ne connaissait pas une âme à l'est de l'Atlantique.

"Ha, la solitude du voyageur", murmura-t-il gentiment pendant le dîner. "C'est la pire."

Après dîner, il fut embarrassé de découvrir qu'il avait oublié de prendre son portefeuille. Elle fut plus qu'heureuse de régler sa note. Au bar, en prenant un verre, il lui a dit qu'il était traducteur pour les Nations Unies. Il était pour l'instant entre deux affectations. 


Ils se virent quatre fois cette semaine-là, cinq la semaine suivante. Il ne se passa pas beaucoup de temps avant qu'il n'ait presque emménagé chez Elsa. Cela allait à l'encontre de sa nature, mais elle vivait les meilleurs moments de sa vie.

Cependant, il y avait quelques détails, inexpliqués, non exprimés, qu'elle chassât de son esprit. Il ne l'invitait jamais chez lui, elle n'avait jamais rencontré ses amis. Une nuit, il rapporta un carton rempli de magnétoscopes, encore emballés de l'usine, jamais ouverts; quelques jours plus tard, ils avaient disparu. Une autre fois, elle rentra chez elle pour trouver trois télévisions empilées dans un coin. "Stockées pour un ami," fut sa seule explication. Quand elle le pressa pour plus d'explications, il haussa à peine les épaules.

Une fois il ne vint pas pendant trois jours, et il dormait profondément sur le lit quand elle revint au milieu de la matinée. "Où étais-tu passé ?" pleura-t-elle. "J'étais si inquiète. Où étais-tu ?"

Il eut l'air agacé comme il se réveillait. "Ne me demande jamais ça," répliqua-t-il, "Pas avec moi."

"Quoi ?"

"Où je vais, ce que je fais, avec qui je le fais, ça ne te regarde pas, Elsa. Ne pose pas de questions."

Il était comme une autre personne. Puis il sembla alors reprendre ses esprits, chassa les dernières bribes de sommeil et s'approcha d'elle. "Je sais que cela te fait mal,", dit-il de sa douce manière habituelle, "mais je vois la jalousie comme une grippe, et tu devrais attendre que ça passe. Et elle passera chérie, elle passera". Comme une maman chat léchant son chaton, il ramena sa confiance en la cajolant.

Un soir elle lui demanda gentiment s'il voulait bien aller au coin de la rue lui chercher une glace. Il ne répondit pas, et quand elle le regarda elle le trouva la dévisageant furieusement. "Tu as toujours eu ce que tu voulais, n'est-ce pas ?" demanda-t-il d'une voix étrangement narquoise. "À chaque petite chose que la petite Elsa voulait, quelqu'un courait toujours pour aller la lui chercher, n'est-ce pas ?"

"Tu plaisantes ? Je ne suis pas comme cela. De quoi parles-tu ?"

Il se leva de la chaise et sortit. Elle ne le revit jamais.

Il y a une classe d'individus qui a toujours été présente et que l'on trouve dans toutes les races, cultures, sociétés et styles de vie. Tout le monde a rencontré ces gens, a été trompé et manipulé par eux, et a été forcé de vivre avec ou de réparer les dégâts qu'ils ont semés. Ces individus souvent charmants - mais toujours mortellement dangereux - ont un nom clinique: des psychopathes. Leur marque de fabrique est un manque stupéfiant de conscience ; leur jeu est leur propre satisfaction aux dépens de l'autre. Beaucoup passent du temps en prison, mais beaucoup n'y vont jamais. Tous prennent beaucoup plus qu'ils ne donnent.

Les expressions les plus évidentes de la psychopathie - mais pas les seules - impliquent une violation flagrante des règles sociales. Sans que cela soit surprenant, beaucoup de psychopathes sont des criminels, mais beaucoup d'autres psychopathes parviennent à rester hors des prisons, utilisant leur charme et leur aptitude de caméléon pour découper de larges lambeaux au sein même de la société, laissant un sillage de vies détruites derrière eux.

Une portion majeure de ma propre quête, longue d'un quart de siècle, à la recherche de réponses à cette énigme, a été un effort commun dans le but de développer un moyen fiable et précis de détecter les psychopathes parmi nous. Mesures et classement sont, bien sûr, les fondements de toute recherche scientifique, mais les implications de la capacité à identifier les psychopathes sont aussi bien pratiques qu'académiques. Pour l'exprimer simplement, si l'on ne peut pas les repérer, nous sommes condamnés à devenir leurs victimes, aussi bien individuellement qu'en tant que société.

Mon rôle dans la recherche sur les psychopathes a démarré dans les années 1960 au département de psychologie de l'Université de Colombie Britanique. Là-bas, mon intérêt croissant pour la psychopathie s'est mélangé avec mon expérience du travail mené avec des psychopathes en prison pour former ce qui devait devenir le travail de toute ma vie.

J'ai rassemblé une équipe de cliniciens qui identifiait les psychopathes dans la population carcérale au moyen d'interviews longs et détaillés et d'une étude poussée de l'information contenue dans leurs dossiers. De ces travaux a fini par émerger un outil de diagnostic à haute fiabilité que n'importe quel clinicien ou chercheur peut utiliser et qui permet d'obtenir un profil richement détaillé du désordre de la personnalité nommé psychopathie. Nous avons nommé cet instrument "Liste de pointage de la Psychopathie" (Psychopathy Checklist, Multi-Health Systems; 1991). Cette liste de pointage est maintenant utilisée mondialement et fournit aux cliniciens et chercheurs une méthode pour distinguer, avec une certitude raisonnable, les vrais psychopathes de ceux qui ne font que violer les règles.

Ce qui suit est un sommaire général des caractéristiques clés et des comportements d'un psychopathe. Ne vous servez pas de ces symptômes pour vous autodiagnostiqués ou diagnostiquer quelqu'un d'autre. Un diagnostic requiert une formation explicite et l'accès au manuel d'évaluation des résultats. Si vous soupçonnez que quelqu'un que vous connaissez correspond au profil décrit ici, et s'il vous importe d'avoir une opinion d'expert, vous devriez demander les services d'un expert en psychologie ou en psychiatrie.

Aussi, soyez également conscient que des gens qui ne sont pas des psychopathes peuvent avoir certains symptômes décrits ici. Beaucoup de gens sont impulsifs, ou désinvoltes, ou froids et insensibles, mais cela ne veut pas dire qu'ils sont des psychopathes. La psychopathie est un syndrome - un ensemble de symptômes reliés entre eux.

Symptômes clés de la Psychopathie

Émotionnel/interpersonnel :

- Insensible et superficiel
- Égocentrique et grandiose
- Manque de remords ou de culpabilité
- Manque d'empathie
- Trompeur et manipulateur
- Émotions peu profondes

Déviance sociale :

- Impulsif
- Faible contrôle comportemental
- Besoin d'excitation, de sensations fortes
- Manque de responsabilité
- Problèmes comportementaux précoces
- Comportement antisocial à l'âge adulte

Insensible et superficiel

Les psychopathes sont souvent bavards et ont le contact facile. Ils peuvent être d'amusants et divertissants causeurs, habiles à la réplique et sont capables de raconter des histoires improbables, mais convaincantes qui les montrent sous un jour favorable. Ils peuvent être très efficaces à se faire percevoir sous un bon jour et sont souvent aimables et charmants.

Un de mes évaluateurs a décrit une entrevue qu'elle a réalisée avec un prisonnier : "Je me suis assise et j'ai sorti mon carnet de notes," raconte-t-elle, "et la première chose qu'il m'a dite était que j'avais de beaux yeux. Il a réussi à glisser un certain nombre de compliments sur mon apparence pendant l'entrevue, et au moment de clore l'entretien, je me sentais inhabituellement... jolie. Je suis une personne prudente, spécialement au travail, et habituellement je sais repérer un imposteur. Quand je suis sortie, je n'arrivais pas à croire que j'étais tombée dans le panneau."

Égocentrique et grandiose

Les psychopathes ont une vue narcissique et surgonflée d'eux-mêmes et de leur importance, une égocentricité et un sens de leur bon droit vraiment époustouflant et ils se voient comme le centre de l'univers, ayant toute justification à vivre selon leurs propres règles. "Ce n'est pas que je ne suive pas la loi," a dit un sujet, "je suis mes propres règles. Je ne viole jamais mes propres règles." Elle décrivit ensuite ces règles comme "la quête pour devenir la Numéro Un"

Les psychopathes prétendent souvent avoir des buts spécifiques, mais ne semblent pas avoir conscience des qualifications nécessaires - ils n'ont aucune idée de comment les obtenir et peu ou aucune chance d'atteindre ces buts au vu de leur dossier et de leur manque d'intérêt soutenu pour les études formelles. Le prisonnier psychopathe pourrait exprimer par exemple le vague plan de devenir avocat pour aider les pauvres ou un magnat de l'immobilier. Un prisonnier, pas particulièrement cultivé a réussi a déposer le titre d'un livre qu'il prévoyait d'écrire à propos de lui-même, comptant à l'avance la fortune que son futur best-seller lui rapporterait.

Manque de remords et de culpabilité

Les psychopathes montrent un stupéfiant manque de préoccupation concernant l'effet que leurs actions ont sur les autres, peu importe l'importance de leur effet dévastateur. Ils peuvent paraître complètement francs sur le sujet, déclarant calmement qu'ils n'ont pas le sens de la culpabilité, ne sont pas désolés pour la douleur infligée et qu'ils n'ont aucune raison de se sentir concernés.

Quand j'ai demandé s'il regrettait d'avoir poignardé sa victime, qui a passé du temps à l'hôpital suite à ses blessures, un de nos sujets répondit : "Arrêtez de délirer ! Il passe quelques mois à l'hôpital et je pourris ici. Si j'avais voulu le tuer, je lui aurais tranché la gorge. C'est le genre de mec que je suis ; j'ai été sympa avec lui."

Leur manque de remords ou de culpabilité est associé à une remarquable capacité à rationaliser leur comportement, à ignorer leur responsabilité personnelle pour les actions qui choquent et déçoivent leur famille, leurs amis et d'autres personnes. Ils ont habituellement des excuses toutes prêtes pour justifier leur comportement, et dans certains cas nient tout en bloc.

Manque d'empathie

Beaucoup des caractéristiques rencontrées chez les psychopathes sont associées de près à un profond manque d'empathie et l'incapacité à construire un "facsimilé" mental et émotionnel d'une autre personne. Ils semblent complètement incapables "d'entrer dans la peau" des autres, sauf de manière purement intellectuelle.

Ils sont complètement indifférents aux droits et aux souffrances, tant de leur famille que d'étrangers. S'ils maintiennent des liens, c'est seulement parce qu'ils voient les membres de leur famille comme des possessions. Un de nos sujets a laissé son petit ami agresser sexuellement sa fille de cinq ans parce qu' "il m'avait épuisée. Je n'en pouvais plus du sexe, ce soir-là." Cette femme avait du mal à comprendre pourquoi les autorités lui avaient enlevé son enfant.

Trompeur et manipulateur

Avec leur capacité d'imagination et imbus de leur personne, les psychopathes paraissent imperturbables à la possibilité - ou même la certitude - d'être démasqués. Quand ils sont pris en flagrant délit de mensonge, ou qu'on leur oppose la vérité, ils paraissent à peine perplexes ou embarrassés ; ils changent simplement leur histoire ou tentent de remanier les faits pour qu'ils apparaissent compatibles avec leur mensonge. Le résultat est une série de déclarations contradictoires et un interlocuteur complètement confus.

Et les psychopathes semblent fiers de leur capacité à mentir. Quand on lui demanda si elle mentait facilement, une femme rit puis dit simplement : "Je suis la meilleure. Je pense que c'est parce que parfois j'admets des choses négatives sur moi-même. Ils pensent, bah, si elle a admis ça, elle doit dire la vérité à propos du reste."

Émotions peu profondes

Les psychopathes semblent souffrir d'un genre de pauvreté émotionnelle qui limite la portée et la profondeur de leurs émotions. À certains moments, ils paraissent être froid et insensibles, mais néanmoins parfois, sujets à de dramatiques, peu profondes et courtes manifestations émotionnelles. L'observateur attentif a l'impression d'assister à un jeu d'acteur et qu'il ne se passe pas grand-chose sous la surface.

Un psychopathe a dit lors de nos recherches qu'il ne comprenait pas vraiment ce que signifiait la peur. "Quand je braque une banque," dit-il, "je remarque que le guichetier tremble. Il y en a une qui a vomi partout sur l'argent. Elle devait être méchamment dérangée à l'intérieur, mais je ne sais pas pourquoi. Si l'on me pointait une arme dessus, j'imagine que j'aurais peur, mais je ne vomirais pas." Quand on lui demanda s'il ne sentait jamais son coeur battre la chamade ou son estomac se serrer, il répondit : "Bien sûr! Je ne suis pas un robot. Je suis vraiment remonté quand j'ai une relation sexuelle avec quelqu'un ou pendant une bagarre."

Impulsif

Il est improbable que les psychopathes passent beaucoup de temps à peser les pour et les contre d'un plan d'action ou évaluer les conséquences possibles. "Je l'ai fait parce que j'en avais envie" est une réponse fréquente. Ces actes impulsifs résultent souvent d'un but qui joue un rôle central dans le comportement de la majorité des psychopathes : obtenir une satisfaction immédiate, un plaisir, ou un soulagement.

Conséquemment, les membres de la famille, les connaissances, employeurs et collègues se retrouvent typiquement à se demander ce qui vient de se passer ; des emplois sont quittés, des relations brisées, des projets modifiés, des maisons saccagées, des gens blessés, souvent à cause de ce qui parait être à peine un caprice. Le mari d'une psychopathe que j'ai étudié l'a exprimé ainsi : "Elle s'est levée, a quitté la table, et je ne l'ai plus revue pendant deux mois."

Faible contrôle comportemental

En plus d'être impulsifs, les psychopathes sont hautement réactifs aux insultes perçues ou aux affronts. La plupart d'entre nous ont de puissants contrôles inhibiteurs sur notre comportement ; même si nous voulions répondre agressivement, nous sommes habituellement capables de "garder le couvercle sur la marmite." Chez les psychopathes, ces contrôles inhibiteurs sont faibles, et la plus faible provocation est suffisante pour qu'ils soient dépassés.

En conséquence, les psychopathes sont colériques ou impétueux et ont tendance à répondre à la frustration, l'échec, la discipline et les critiques avec une violence soudaine, des menaces ou des insultes. Mais leurs explosions, aussi extrêmes qu'elles puissent être sont souvent brêves, et ils retrouvent rapidement la même attitude que s'il ne s'était rien passé.

Par exemple, un prisonnier dans la file d'attente pour le diner fut heurté accidentellement par un autre prisonnier, qu'il frappa jusqu'à l'inconscience. L'attaquant reprit sa place dans la file comme si de rien n'était. Malgré le fait qu'il encourait une période de confinement en réponse à l'infraction, son seul commentaire, quand on lui demanda de s'expliquer, fut : "J'étais énervé. Il a envahi mon espace vital. J'ai fait ce que j'avais à faire."

Bien que les psychopathes aient "la détente sensible," leurs démonstrations agressives sont "froides"; ils leur manquent l'excitation intense vécue par les autres quand ils perdent leur calme.

Besoin d'excitation, de sensations fortes

Les psychopathes ont un besoin incessant d'excitation ; ils brûlent de vivre à cent à l'heure, ou sur la brèche, là où l'action se trouve. Dans beaucoup de cas, l'action implique de violer les règles.

Beaucoup de psychopathes confessent "commettre des crimes" pour l'excitation ou les frissons. Quand on lui demanda si elle avait déjà fait des choses dangereuses juste "pour le plaisir", une de nos sujets répondit: "Ouais, beaucoup de choses. Mais ce que je trouve le plus excitant c'est de traverser un aéroport avec de la drogue. Mon Dieu ! Quel pied !"

La contrepartie de ce besoin de sensations fortes est l'incapacité à supporter la routine ou la monotonie. Les psychopathes s'ennuient fréquemment et sont peu susceptibles de s'engager dans des activités qui soient monotones, répétitives, ou demandent une concentration intense sur de longues périodes.

Manque de responsabilité

Le devoir et l'engagement ne représentent rien pour les psychopathes. Leurs bonnes intentions : "Je ne te tromperai plus jamais", sont des promesses écrites sur du vent.

Des histoires terribles de crédits, par exemple, révèlent des dettes prises à la légère, des prêts non remboursés, de vides promesses de contribuer financièrement à la vie d'un enfant. Leur performance au travail est erratique, avec des absences fréquentes, l'usage illicite des ressources de l'entreprise, des violations des politiques d'entreprise, et un manque de fiabilité général. Les engagements formels ou implicites envers des gens, des sociétés, ou des principes ne sont pas honorés.

La perspective des risques ou désagréments encourus par les autres en conséquence de leurs actions ne dissuade en rien les psychopathes. Un prisonnier âgé de 25 ans que nous avons étudié avait reçu plus de 20 condamnations pour conduite dangereuse, conduite en état d'ivresse, pour avoir quitté le site d'un accident dans lequel il était impliqué, pour conduite sans permis, et négligence criminelle ayant conduit à un décès. Quand on lui demanda s'il continuerait à conduire après sa sortie de prison, il répondit : "Pourquoi pas? Bien sûr, je conduis vite, mais je le fais bien. Il faut être deux pour avoir un accident."

Problèmes comportementaux précoces

La plupart des psychopathes commencent à montrer des signes sérieux de problèmes comportementaux à un âge précoce. Cela peut inclure des mensonges répétés, des tricheries, des vols, des incendies volontaires, de l'absentéisme, l'usage de drogues, des actes de vandalisme, et/ou des comportements sexuels précoces. Parce que beaucoup d'enfants présentent certains de ces comportements à un moment ou un autre - spécialement chez des enfants élevés dans des voisinages violents ou dans des familles perturbées ou abusives - il est important d'insister sur le fait que l'historique de tels comportements chez un psychopathe est beaucoup plus étendu et sérieux que chez la majorité des enfants, même comparés avec celui de frères et soeurs ou amis élevés dans des conditions similaires.

Un sujet, emprisonné pour escroquerie, nous raconta comment, dans son enfance, il passait un noeud coulant autour du cou d'un chat, attachait l'autre extrémité de la corde au sommet d'un poteau et frappait le chat avec une raquette de tennis pour le faire tourner autour du poteau. Bien que tous les psychopathes adultes n'aient pas montré ce degré de cruauté dans leur jeunesse, pratiquement tous se mettaient souvent dans des situations difficiles.

Comportement antisocial à l'âge adulte

Les psychopathes voient les règles et attentes de la société comme des entraves gênantes et inconvénients envers leurs expressions comportementales. Ils créent leurs propres règles, aussi bien en tant qu'enfants qu'en tant qu'adultes.

Beaucoup des actes antisociaux des psychopathes entraînent des inculpations criminelles et des condamnations. Même dans la population criminelle, les psychopathes sortent du lot, en grande partie parce que les activités antisociales et illégales des psychopathes sont plus variées et fréquentes que ne le sont celles des autres criminels. Les psychopathes tendent à n'avoir aucune affinité, ou préférence spéciale pour un type de crime particulier, mais ont tendance à tout essayer.

Cependant, tous les psychopathes ne finissent pas en prison. Beaucoup des choses qu'ils font échappent à toute détection ou inculpation, ou sont "à la limite de la légalité". Pour eux, un comportement antisocial peut consister en la vente de fausses actions, des pratiques commerciales contestables, la maltraitance d'une épouse et/ou d'enfants, etc. Beaucoup d'autres font des choses qui, bien que pas nécessairement illégales, sont néanmoins contraires à l'éthique, immorale, blessantes pour les autres: des flirts ou tromper leur épouse, par exemple.

Origines

Penser à la psychopathie nous conduit très rapidement à une seule question fondamentale : pourquoi certaines personnes sont-elles comme cela ?

Malheureusement, les forces qui produisent un psychopathe sont encore obscures, une admission que ceux qui cherchent des réponses nettes trouveront insatisfaisante. Néanmoins, il y a plusieurs théories rudimentaires concernant la cause de la psychopathie qui valent la peine qu'on les examine. À une extrémité du spectre se trouvent les théories qui voient la psychopathie comme étant largement le produit de facteurs génétiques ou biologiques (inné), alors que des théories à l'opposé du spectre postulent que la psychopathie résulte entièrement d'un environnement social défaillant dans l'enfance précoce (acquis).

La position que je préfère est que la psychopathie résulte d'un jeu complexe - et mal compris - entre des facteurs biologiques et des forces sociales. Elle est basée sur des indices qui donnent à penser que des facteurs génétiques contribuent aux bases biologiques des fonctions cérébrales et à la structure basique de la personnalité, qui à son tour influence la façon dont un individu répond à, et interagit avec les expériences vécues et l'environnement social. En effet, les éléments centraux nécessaires au développement de la psychopathie - incluant une incapacité profonde à ressentir de l'empathie et la gamme complète des émotions, peur incluse - sont en partie fournis par la nature et potentiellement par une influence biologique inconnue sur le foetus et le nouveau-né. Comme résultat, la capacité de développer des contrôles internes, une conscience, et une capacité à établir des "liens" émotionnels est grandement réduite.

Quelque chose peut-il être fait ?

Dans leur quête désespérée de solutions, les gens piégés dans une relation destructrice et apparemment sans espoir avec un psychopathe entendent souvent : arrêtez de tolérer son comportement et envoyez-le en thérapie. Une hypothèse de base de la psychothérapie est que le patient a besoin de, et veut de l'aide pour se sortir de douloureux problèmes psychologiques ou émotionnels. Une thérapie couronnée de succès requiert aussi que le patient participe activement, avec le thérapeute, à la recherche du soulagement de son ou ses symptômes. En résumé, le patient doit reconnaître qu'il y a un problème et doit vouloir le résoudre.

Mais voici le noeud du problème : les psychopathes ne ressentent pas de problèmes psychologiques ou émotionnels, et ils ne voient pas de raison de changer leur comportement et de se conformer à des standards sociaux avec lesquels ils ne sont pas en accord.

Donc, en dépit de plus d'un siècle d'études cliniques et plusieurs décennies de recherche, le mystère du psychopathe reste entier. Des développements récents nous ont fourni de nouveaux indices sur la nature de ce trouble inquiétant, et ses frontières se définissent de mieux en mieux. Mais comparées à d'autres désordres cliniques majeurs, peu de recherches ont été consacrées à la psychopathie, même si elle est responsable de plus de problèmes sociaux et de détresse que tous les autres désordres psychiatriques cumulés.

Alors, plutôt que d'essayer de ramasser les morceaux après que les dégâts aient été faits, il serait beaucoup plus sensé d'accroître nos efforts pour comprendre ce troublant désordre et de chercher des interventions précoces efficaces. Les alternatives sont de continuer à consacrer des ressources massives à l'inculpation, l'incarcération, et la surveillance des psychopathes après qu'ils aient commis des délits contre la société et de continuer d'ignorer la souffrance de leurs victimes. Nous devons apprendre comment les sociabiliser, et non les re-sociabiliser. Et ceci demandera des efforts sérieux de recherche et d'intervention précoce. Il est impératif de continuer la quête des indices.

[Extrait de "Without Conscience: The Disturbing World of the Psychopaths Among Us" (Simon & Schuster) by Rober Hare ph.D. Copyright 1993.]

Un manuel de survie

Bien que personne ne soit complètement immunisé contre les machinations sournoises des psychopathes, il y a des choses que vous pouvez faire pour réduire votre vulnérabilité.

- Sachez à quoi vous avez affaire. Cela semble facile, mais peut en fait être très difficile. Toutes les lectures du monde ne peuvent vous immuniser contre les effets dévastateurs des psychopathes. Tout le monde, experts inclus, peut se faire surprendre, arnaquer, et se retrouver étourdi par eux. Un bon psychopathe peut jouer un concerto sur les cordes émotionnelles de n'importe qui.

- Essayez de ne pas être influencé par les "accessoires". Il n'est pas facile de voir derrière le sourire de gagnant, le langage corporel captivant, les rafales de mots du psychopathe typique, tout ceci nous rend aveugles à ses intentions réelles. Beaucoup de gens trouvent difficile de gérer l'intense "état prédateur" du psychopathe. Le regard profond est plus un prélude à la satisfaction personnelle et un exercice de pouvoir qu'un simple intérêt ou un sentiment d'empathie

- Ne portez pas d'oeillères. Abordez les relations nouvelles avec les yeux grand ouverts. Comme le reste d'entre nous, la plupart des artistes psychopathes de la duperie et les "voleurs d'amour" cachent initialement leur côté sombre en mettant en avant leurs aspects les plus attirants. Des fissures peuvent rapidement apparaître dans le masque qu'ils portent, mais une fois pris dans leur toile, il sera difficile de s'échapper financièrement et émotionnellement indemne.

- Conservez votre garde levée dans les situations à haut risque. Certaines situations sont taillées sur mesures pour les psychopathes : les bars de célibataires, les croisières en bateau, les aéroports étrangers, etc. Dans tous les cas, la victime potentielle est seule, cherche à passer un bon moment, des sensations fortes, ou de la compagnie, et il y aura habituellement quelqu'un prêt à rendre ce service, mais à un prix non annoncé.



Commentaire :
On peut aujourd'hui ajouter Internet comme lieu où pullulent les psychopathes et autres prédateurs (cet article a été écrit en 1994).

- Connaissez-vous vous-même. Les psychopathes sont doués pour détecter et exploiter sans pitié vos points faibles. Votre meilleure défense est de comprendre quels sont ces points faibles, et d'être extrêmement vigilant si quelqu'un les a en ligne de mire.

Malheureusement, même les précautions les plus poussées ne garantissent pas que vous échapperiez à un psychopathe déterminé. Dans ces cas-là, tout ce que vous pouvez faire est de tenter d'exercer une sorte de "minimisation des dégâts". Ce n'est pas facile, mais voici quelques suggestions pouvant se révéler utiles :

- Obtenir un avis professionnel. Assurez-vous que le clinicien que vous consultez soit familier avec la littérature sur la psychopathie et aie de l'expérience dans le domaine.

- Ne vous blâmez pas vous-même. Quel que soient les raisons qui vous ont amenées à vous engager avec un psychopathe, il est important que vous ne vous vous en vouliez pas pour son attitude ou son comportement. Les psychopathes jouent avec les mêmes règles - leurs propres règles - avec tout le monde.

- Soyez conscient de qui est la victime. Les psychopathes donnent souvent l'impression que c'est eux qui souffrent et que ce sont les victimes qui sont responsables de leur propre souffrance. Ne gâchez pas votre compassion pour eux.

- Prenez conscience que vous n'êtes pas seul. La plupart des psychopathes ont beaucoup de victimes. Il est certain qu'un psychopathe qui vous cause du tout en cause aussi à d'autres en même temps.

- Soyez prudent avec les luttes de pouvoir. Gardez à l'esprit que les psychopathes ont un fort besoin de contrôle psychologique et physique sur les autres. Ceci ne veut pas dire que vous ne devriez pas défendre vos droits, mais il sera probablement difficile de le faire sans risquer de sérieux traumatismes émotionnels ou physiques.

- Posez des limites fermes. Même si les luttes de pouvoir avec un psychopathe sont risquées, vous pourriez être en mesure de mettre en place des règles précises - aussi bien pour vous que pour le psychopathe - pour rendre votre vie plus facile et commencer la difficile transition de l'état de victime à celui de personne faisant attention à elle-même.

- N'attendez pas de changements significatifs. Dans une large mesure, la personnalité des psychopathes est "gravée dans la pierre". Il est peu probable que quoi que ce soit que vous fassiez ne produise de changement fondamental et persistant dans la manière dont ils se perçoivent et dont ils perçoivent les autres.

- Minimisez les pertes. La plupart des victimes de psychopathes finissent par se sentir confuses et désespérées, et convaincues qu'elles sont largement à blâmer pour la situation. Plus vous tombez dans le panneau, plus le psychopathe tirera avantage de vous pour étancher sa soif insatiable de pouvoir et de contrôle.

- Trouvez des groupes de soutien. À partir du moment où vos soupçons vous ont conduit à chercher un diagnostic, vous savez déjà que la route va être longue et chaotique. Assurez-vous d'avoir tout le soutien émotionnel dont vous aurez besoin.

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