Petite leçon d'histoire.
LoloPar André Lefebvre
Depuis six ans que je fais des recherches généalogiques quotidiennement, j’ai pu me rendre compte que l’histoire du Canada qui me fut enseignée n’est pas du tout l’histoire des “Canayens”. Cette histoire est plutôt celle des Français qui venaient au pays pour s’enrichir, sans avoir aucun intérêt pour la colonisation, mais avec un intérêt exclusif pour la traite des fourrures (à très peu d’exception près).
En réalité, à l’époque tout comme aujourd’hui, les “têtes d’affiche” disent faire l’histoire, quand c’est la “masse silencieuse” qui la concrétise.
Durand tout le régime français, les autorités tentent de contrôler le commerce des fourrures sans aucun succès. Il est évident que les “nobles” français réussissent quand même, à tirer profit de cette traite; mais ils doivent, assez souvent, faire des tricheries pour y arriver. La saisie, en 1660, du produit de la traite de Radisson et des Groseilliers (100 canots pleins de fourrures), est la première saisie “illégitime”, mais “légale”, connue. Ce « jugement » serait, encore aujourd’hui, celui que rendrait la Cour suprême canadienne.
Une autre “tricherie” très importante fut la saisie du travail de quinze années de La Vérendrye (père) par le triumvirat formé de l’intendant Bigot, M. de St-Pierre et M. de La Jonquière (son second fut M. de Niverville). En trois petites années, par intérêts personnels, ceux-ci détruisirent le travail de quinze années d’exploration, après avoir annulé les droits des fils La Vérendrye, lors du décès de Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye.
Par la suite, après 1760 et surtout après 1775, ce fut le tour des marchands anglais qui s’imposèrent dans ce commerce lucratif. Ils réussirent à le contrôler beaucoup mieux que les précédents. Tout simplement parce que, aussi curieux que cela puisse paraître, le commerce était devenu libre. Par contre, incapable d’opérer par eux-mêmes, ils furent obligés d’engager des “Canayens” pour leur “ouvrir” le Nord-Ouest du continent.
Malgré ce fait, l’histoire de la Compagnie du Nord-Ouest a tellement marqué l’histoire officielle, qu’on a l’impression que ce sont les propriétaires de cette compagnie qui “découvrirent “ tous les territoires au-delà des Grands Lacs. Autrement dit: ils auraient “ouvert” les territoires inconnus de l’Ouest canadien à la civilisation. En réalité, tout ce qu’ils ont réussi à faire est d’abrutir les Amérindiens au moyen de boissons enivrantes et de commerce déloyal pour se créer des profits faramineux. Peut-on douter que cette politique envers la population ait depuis évolué?
À vrai dire, pour vraiment saisir la réalité historique, il faut lire les comptes rendus de ces propriétaires commerçants avec beaucoup d’attention. Lors de chacune de leurs “excursions”, ces “découvreurs” emploient des “Canayens” comme guides et comme “main d’œuvre”.
Tout le monde est conscient qu’un guide, c’est quelqu’un qui t’amène à un endroit qu’il connait déjà. Conséquemment, la réalité est que ces “découvreurs” ne découvraient absolument rien « pour la première fois ». Les “Canayens” avaient déjà tout visité le territoire jusqu’aux Rocheuses. Cela faisait plus de cent ans qu’ils s’y promenaient partout.
Il y a peut-être l’exception, et le “peut-être” est à souligner, d’Alexander Mackenzie qui “découvrit” la route jusqu’au Pacifique; mais, encore une fois, sans l’équipe de "Canayens” qui l’entourait, il ne serait pas allé très très loin. Il est à noter que les Amérindiens des montagnes Rocheuses qu’il a rencontrés durant son parcours connaissaient déjà les “blancs”. Mais on a “déduit” que ces “blancs” étaient ceux qui venaient par bateau sur les côtes de l’océan Pacifique. Ce qui n’élimine pas, du tout, la possibilité que des “aventuriers” canayens aient probablement, déjà franchit les Rocheuses par voie de terre. D’ailleurs les La Vérendrye s’étaient rendu aux pieds des Rocheuses 60 ans avant tout autres “découvreurs” officiels subséquents.
Une autre “petite erreur”, qui se glisse dans l’histoire officielle, est l’affirmation que le commerce des fourrures cessa à partir de la conquête pour ne reprendre que cinq ou six ans plus tard. C’est tout à fait faux. Si vous consultez les contrats signés de voyageurs pour les années de 1760 jusqu’à 1766, les mêmes traiteurs “canayens” de Trois Rivières et de Montréal continuent leur commerce. Ces “Canayens” commerçants sont ceux que l’on qualifiait de “Coureurs de bois” lorsqu’ils n’avaient pas obtenu de permis de traite officiels. Lorsqu’ils avaient des permis de traite, on les appelait les “Voyageurs”.
C’est “Coureurs de bois” canayens n’ont jamais cessé de commercer avec les Indiens depuis l’époque d’Étienne Brulé, c'est-à-dire l’époque de Champlain, jusqu’à la chute du commerce des fourrures. Les Grandes Compagnies les appelaient : les “free traders”. Et, tout au long de leur histoire officielle, ils les rencontrent sur leur chemin lors de leurs excursions. Lorsque ces "free traders" sont seuls, les commis de la Cie du Nord-Ouest leur volent leur marchandise ou leurs pelleteries. Mais les cas sont assez rares parce que les Indiens les accompagnent la plupart du temps. Souvent ces "free traders" font leur trafic aux mêmes endroits que ceux de la Cie du Nord-Ouest ou de la baie d'Hudson. Ils sont presque intouchables à cause de leur lien d'amitié avec les Indiens.
Durant la guerre de Sept Ans, les “Coureurs de bois” se battent lorsque la traite est terminée ou font leur commerce au moment où ils rassemblent les “sauvages” pour aller combattre. Ce qui nous donne la raison pour laquelle les Indiens ne sont pas heureux lorsqu’on les empêche de faire du pillage après un combat. Heureusement pour le commerce, cela est assez rare; tout comme dernièrement, ce qui s'est passé au musée de Bagdad lors de la guerre contre l'Irak ou encore ce qui risque de se passer prochainement en Libye.
On croit généralement que les Amérindiens sont de pures brutes sans foi ni loi. C’est ce que les “missionnaires” et les autorités civiles de l’époque leur ont donné comme image. C’est, encore une fois, complètement faux. Ces “supposés sauvages” respectent au plus haut point le courage et l’endurance de l’individu. Tellement qu’ils permettent aux vaincus de les manifester grâce à ce que nous qualifions de “torture”. En comparaison, les blancs de l’époque appliquent les mêmes “tortures” pour obtenir des renseignements d’un individu (aujourd'hui, en 2011, on se demande ce qui s’est vraiment passé à la prison de Guantanamo, où on tentait d’obtenir des renseignements des prisonniers).
Lorsqu’une tribu perd un guerrier dans une bataille, elle le remplace en adoptant un guerrier courageux vaincu, ou un enfant en parfait état de santé physique, qu’ils ont fait prisonnier. L’adoption donne la “liberté” automatique à l’individu choisi; un peu comme lorsque nous adoptons un enfant du "tiers-monde". Quant aux lois et libertés individuelles, ils les respectent à un tel point qu’ils ne laissent, au chef de tribu, que la possibilité de convaincre chacun des individus qui ensuite ne fait qu’à sa tête. Nous n'en sommes malheureusement pas encore là; mais peut-on être étonné de l’attrait que tout cela représente aux jeunes “Canayens” de la Nouvelle-France?
Ces explorateurs canayens, “passés sous silence officiellement”, se répandent partout en Amérique du Nord jusqu’en Louisiane et même jusqu’au Mexique. À chacun des endroits où se pointent les “découvreurs” de la fameuse Compagnie du Nord-Ouest, ils sont accueillis par des “Canayens” établis là depuis longtemps, qui vivent avec les tribus indiennes. Souvent ils ont amélioré la technique agricole des Amérindiens; mais toujours, ils ont adopté leurs règles, leurs lois et leurs coutumes soi-disant "primitives".
Il est d’ailleurs clairement établi que les autorités de la Nouvelle-France tentent durant plus d’un siècle de bloquer l’hémorragie de la jeunesse canayenne vers les espaces “désertiques” de l’Ouest. Il est tout aussi bien établi qu’ils n’y parviennent jamais.
Une autre erreur d’information de l’histoire officielle est la raison responsable du départ des jeunes “canayens” vers la forêt. On nous raconte qu’ils étaient engagés par la compagnie du Nord-Ouest, après avoir été “sollicités” lors de soirées bien arrosées et que le lendemain, plusieurs regrettaient de s’être “inscrits”. Cela est également tout à fait faux. Les jeunes canayens percevaient “la vie des bois” comme une alternative préférable à celle de la vie de “censitaires”. De plus, c’était la seule façon efficace de “faire de l’argent” pour ensuite se “payer du luxe”.
Depuis l’époque d’Étienne Brulé, les “truchements”, nom donné aux interprètes, existent en Nouvelle-France. Certains, au début, comme Pierre Lefebvre ou Pierre Esprit Radisson, tous deux de Trois Rivières qui furent enlevés par les Iroquois, deviennent “truchements” par la force des choses; mais assez rapidement, les jeunes “Canayens” partent vers la forêt après s’être fait ami avec des Amérindiens. Ceux-ci se promènent partout dans les emplacements de colons, tout le long du St-Laurent; que ce soit à Québec, à Trois Rivières ou à Montréal.
Les jeunes canayens se rendent vite compte des avantages indéniables à vivre en forêt, comparativement au labeur nécessaire, qui ne rapporte presque rien, pour vivre dans la “colonisation”. Ils ne “désertent” pas sous la menace; ils répondent à l’appel de la “liberté” totale. Ils se libèrent des obligations religieuses et sociales de cette société féodale restrictive. Individuellement, ils font leur propre “révolution” vers « la liberté, l’égalité et la fraternité” qu’ils retrouvent chez les supposés “sauvages”, cent ans avant la Révolution française.
Il est bien reconnu que les habitants de la ville de Québec n’étaient pas des fervents adhérents de la traite de fourrure. La raison est assez simple à comprendre : ils vivent dans l’entourage des autorités françaises et s’y sentent en sécurité, parrainés par la “noblesse” au pouvoir (ils déchantent éventuellement et ouvrent les portes de la ville aux Anglais, après l’échauffourée des Plaines d'Abraham). De sorte que, les esprits plus libres et plus “aventuriers” s’installent rapidement ailleurs qu’à Québec. La région autour de Trois Rivières est le principal habitat des “Coureurs de bois”; tandis que Montréal est celui des “voyageurs”, puisque c’est de là que partent les excursions de traite officielles. Par contre, même à Montréal, la majorité des « voyageurs » engagés est originaire de la région de Trois Rivières.
Il ne faut, cependant, pas croire que les “départs” de traite se font exclusivement à partir de Lachine, comme on l’affirme; parce qu’il est bien évident que les “Coureurs de bois” ne partent jamais de Lachine puisqu’ils n’ont pas de “permis”. Ils partent donc directement de leur village et passent par la rivière Richelieu, ou encore, la rivière des mille Iles pour se rendre à la rivière des Outaouais. Ces rivières sont les deux seules « portes » donnant sur le Nord-Ouest. De plus, ce sont surtout ces “hors-la-loi” occasionnels qui “ouvrent” l’Amérique du Nord à la civilisation. Ils sont “amis” des Indiens et vivent avec eux en parfaite harmonie. Ils transigent principalement leur traite avec Albany, en Nouvelle-Angleterre qu’ils connaissent très bien. Albany était, en 1540, un établissement français. Ce n’est qu’en 1609 que les Anglais s’y installent définitivement. Cette situation économique parallèle reste stable jusqu’à l’arrivée de la Cie du Nord-Ouest vers 1784.
Lors de la conquête, on raconte qu’il y avait environ 60,000 “Canayens” en Nouvelle-France. Par contre, on en passe plusieurs sous silence. On ne compte pas près de la centaine de famille “canayenne” qui vivait autour de Détroit, ni d’une centaine d’autres autour de St-Louis Missouri, ainsi que celles qui vivaient sur le Mississippi, sans parler de ceux qui vivaient autour des Grands Lacs jusqu’à la Baie des Puants. Plusieurs autres familles étaient disséminées un peu partout du Nord au Sud, jusqu’aux montagnes Rocheuses. Ce chiffre de 60,000 est de beaucoup inférieur à la réalité ethnographique canayenne de l’époque.
L’histoire du Canada n’est donc pas du tout ce que les autorités officielles ont raconté et n’est pas tellement, non plus ce que le clergé “missionnaire” à prétendu. La preuve est que les missionnaires qui se sont aventurés dans l’ouest étaient toujours reçus à bras ouverts par des “colons canayens” qui ne les avaient pas vus depuis des dizaines d’années. Et ce, non seulement dans l’Ouest canadien, mais dans ce qui est aujourd’hui, l’Ouest américain.
Officiellement, les « Coureurs de bois » n’étaient qu’une minorité « hors normes », surtout dissidents et « hors la loi ». On ne les « reconnaissait » que lorsqu’on en avait besoin pour la guerre, les missionnaires, les expéditions de "découvertes" ou le commerce. Par la suite, on faisait toujours en sorte que leurs actions notables soient passées sous silence ou attribuées à un membre de l’autorité.
On n’a qu’à considérer, par exemple, que le premier “traiteur” anglais, historiquement reconnu, fut Alexander Henry (né au N B. Canada). Lors de son premier voyage à Michilimakinac, il fut sauvé de la torture par Charles de Langlade qui habitait à la baie des Puants depuis longtemps avec sa famille et celles d’un groupe de « Coureurs de bois » canayens. Langlade était né dans la région.
Henry passa 15 ans dans la région, presque toujours accroché aux chausses de Jean Baptiste Cadot qui était un "canayen", né à Batiscan, arrivé dans le Nord-Ouest dès l'âge de 18 ans et reconnu comme l'un des chefs par la tribu des Sauteux.
Les “Coureurs de bois” n’ont pas fait l’histoire “officielle” tout simplement parce que, pour la plupart, ils ne savaient pas écrire; donc ils n’ont pas tenu de comptes rendus de leurs découvertes et de leurs expéditions de traite comme l’ont fait les “commis” de la Cie du Nord-Ouest. Et ceux qui savaient écrire n’avaient pas intérêt à compiler leurs allés et venus, vu leur situation "illégale". Mais cela n’efface pas le fait certifié et indéniable qu’ils furent les premiers à “découvrir” tout le territoire nord-américain. La totalité des rapports écrits par les “découvreurs officiels” le raconte et le prouve. La liste des “hommes de l’Ouest” est incontournable: les “Canayens” sont les fondateurs de la plupart des villes de l’Ouest nord-américaines; que celles-ci se trouvent actuellement au Canada ou aux É.-U..
La traite des fourrures fut libre même aux É.-U. après 1804. On le découvre dans la relation de l’expédition de Lewis et Clark qui affirment aux traiteurs canayens que le gouvernement n’entend pas du tout empêcher leur commerce à la condition qu’ils ne « salissent » pas la renommée des Américains. Cela se comprend assez bien puisque les Américains avaient besoin des « Canayens » pour arriver à passer des traités de paix avec les Indiens. Ceux-ci n’avaient aucune confiance aux Américains et étaient loin de les considérer comme des « hommes honorables ».
C’est là, la vraie histoire et notre vraie identité de “Québécois”; non pas celle strictement des habitants de la Province de Québec, mais bien de celle de la nationalité « canayenne ». Les Québécois sont une création des autorités anglaises en 1763. Nous sommes, au départ, des « Canayens », premiers et principaux responsables de l’existence des deux pays importants de l’Amérique du Nord.
Aucune autre nationalité que la nationalité « Canayenne » ne peut s’abroger de ce titre. Se dire strictement Québécois est de renier notre vraie identité. Ce sont les " Canayens", nos ancêtres qui, de par la force de leur bras, de par leur courage, leur honnêteté morale, leur soif de liberté et leur persévérance, ont créé ces deux pays remarquables. Ceux qui les ont suivis et qui se sont parés de cette prérogative n’ont fait que de la “politique” intéressée et de la “manipulation” historique.
En fait c’est le même principe qu’on retrouve partout ailleurs dans la vie. Dans une guerre, ce sont les soldats qui gagnent cette guerre; et non les généraux; dans l’économie, ce sont les travailleurs qui produisent la richesse; et non les “administrateurs. Dans la société, ce sont les individus qui assurent l’équilibre et non le système.
Notre histoire est celle de ces individus extraordinaires "passés sous le tapis", et non celle des “têtes d’affiche”.
La même chose se produit actuellement. Il serait temps de s’en rendre compte.
André Lefebvre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire