Un jour, j’irai vivre en Théorie parce qu’il paraît qu’en Théorie, tout va bien. (Les mots surpendus)

samedi 31 décembre 2016

La leçon de Freud

«La légitimité d’Israël passe par son propre respect de la légitimité des nations qui l’entourent et par le renoncement à l’occupation et la colonisation des territoires palestiniens», écrit Jean-Marie Bioteau.
30 décembre 2016 | Jean-Marie Bioteau - Auteur-réalisateur | Actualités internationales

Photo: Jaafar Ashtiyeh Agence France-Presse
Organisation des Nations unies, 23 décembre 2016, résolution 2334 : adoptée par le Conseil de sécurité. Avec lucidité, le gouvernement américain a décidé de s’abstenir, permettant ainsi l’adoption de la résolution qui dénonce la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens occupés. Il était temps, après des décennies de complaisance à l’égard d’un État qui, depuis sa fondation, bafoue les accords internationaux.

Le 26 février 1930, alors qu’on le sollicite pour soutenir la cause sioniste en Palestine, Sigmund Freud, lui-même de culture juive, répond : « Je ne peux éprouver la moindre sympathie pour une piété mal interprétée qui fait d’un morceau de mur d’Hérode une relique nationale et, à cause d’elle, défie les sentiments des habitants du pays. » Quatre-vingt-six ans plus tard, le propos reste d’actualité. Même si l’abjection allemande s’est manifestée depuis, Freud comprenait déjà qu’il n’y a pas de légitimité sans respect de l’autre.

Depuis l’assassinat d’Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995 lors d’une manifestation pour la paix sur la place des rois d’Israël à Tel-Aviv, le gouvernement israélien n’a eu de cesse de bafouer les accords d’Oslo. Pourquoi ? La raison est très simple : il n’acceptera jamais la solution à deux États. Depuis la disparition du lauréat du prix Nobel de la paix, les gouvernements israéliens successifs ont fait semblant de vouloir négocier tout en spoliant la moindre velléité de règlement du conflit israélo-palestinien, humiliant chaque jour un peu plus un peuple occupé.

Aujourd’hui, il ne s’agit pas de remettre en question l’existence de l’État d’Israël. Au contraire, il faut faire preuve d’une vigilance accrue dans un monde où les fanatiques de tous bords sont légion, et ce, jusqu’au sommet du pouvoir. Cela dit, la légitimité d’Israël passe par son propre respect de la légitimité des nations qui l’entourent et par le renoncement à l’occupation et la colonisation des territoires palestiniens.

« Je concède aussi, avec regret, que le fanatisme peu réaliste de nos compatriotes porte sa part de responsabilité dans la méfiance des Arabes », ajoutait Freud dans cette même lettre, prédisant ainsi, avec une prescience impressionnante, le chaos qui allait naître au Moyen-Orient dans la deuxième partie du XXe siècle. Cette résolution historique, portée par la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, le Sénégal et le Venezuela, est particulièrement symbolique, au-delà même de la situation qu’elle considère. Alors que les États-Unis s’apprêtent à assermenter un président ultranationaliste, fantasque, incompétent et malhonnête, alors que la Russie soutient plus que jamais un président également ultranationaliste, mégalomane et cynique, alors que nombre de chefs d’États africains et autres dictateurs moyen-orientaux refusent de céder le pouvoir, alors que les partis ultranationalistes grossissent à travers le monde, alors que des pays comme la Syrie sont instrumentalisés pour servir les desseins de tous les dictateurs de la planète, alors que des milliers de réfugiés disparaissent en mer Méditerranée, alors que les attentats de Paris ou d’ailleurs font la une des journaux, alors que la pollution n’a jamais causé autant de ravages, alors que… il est plus que jamais nécessaire de rappeler aux pays les devoirs qui sont les leurs. Il est temps que l’Organisation des Nations unies affirme son autorité et use d’un pouvoir de coercition à la mesure des exactions qui n’ont de cesse de proliférer à travers le monde.

En ce sens, le cas d’Israël est emblématique d’un monde qui part à la dérive et la résolution dont il est l’objet vaut pour tous les États hégémoniques et les dirigeants machiavéliques qui n’ont que faire de l’humanité. Alors que l’être humain n’a jamais été aussi menacé qu’en cette fin d’année 2016, il est difficile de penser que l’année 2017 va mettre un terme à cette autodestruction. Il faudrait être naïf pour le croire. Pour autant, nous serions peut-être bien avisés de ne pas oublier les propos du père de la psychanalyse : « Supporter la vie reste bel et bien le premier devoir de tous les vivants. »
SOURCE LE DEVOIR

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