« C’était mieux avant. » Ce refrain passéiste
pourrait prendre toute sa valeur, à en croire une étude parue dans la revue
Health Affairs, qui fait la part belle aux médicaments d’autrefois. Ce travail amène des données
chiffrées à un débat qui fait rage chez les spécialistes depuis plusieurs
années.
De nombreux médecins avouent prescrire plus fréquemment les
vieux traitements que les molécules nouvelles, parce qu’ils leur paraissent plus
efficaces, mais aussi moins chers. En effet, ces premiers existent sous des
formes génériques, alors que les médicaments récents sont vendus
plein tarif par les laboratoires pharmaceutiques, qui veulent récupérer les
investissements injectés pour le développement du produit.
La revue Prescrire suivait la tendance en 2011, en publiant un
palmarès des traitements les plus intéressants des dix dernières années. Selon
les auteurs, seules 17 des 984 molécules validées entre 2001 et 2011
constituent une réelle avancée pour les patients. Des chiffres qui ne tendent
pas à rassurer.
Deux scientifiques ont voulu comparer l'efficacité des
médicaments par rapport aux placébos en fonction de la décennie durant
laquelle ils ont été développés. Les années 1970 sont, de ce point de vue,
meilleures que les années 2000. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les
traitements modernes perdent en efficacité... © Ragesoss, Flickr, cc by sa
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Des médicaments dont l’efficacité baisse avec le
temps
L’étude de Mark Olfson (New York State Psychiatric Institute) et Steven Marcus
(CHERP) pourrait,
à priori, contribuer à faire monter l’inquiétude. Ces auteurs ont récolté les
données de 315 essais cliniques menés entre 1966 et 2010, et
publiés dans quatre journaux de référence : BMJ, JAMA, The
Lancet et le New England Journal of Medicine. Toutes ces
recherches comparaient l’efficacité d’un traitement par rapport à un placébo. Les patients étaient atteints d’une grande variété de
maladies, des troubles mentaux ou respiratoires en passant par le cancer ou des infections.
Les travaux menés dans les années 1960 et 1970 montrent que
les médicaments sont en moyenne 4,5 fois plus efficaces que les traitements
factices pour atténuer les symptômes étudiés, à savoir la capacité à faire
baisser la pression artérielle, à faire reculer les tumeurs ou à atténuer l’état dépressif. Dans
les années 1980, les thérapies sont environ 4 fois plus efficaces
que le placébo. Dans les années 1990, on divise ce chiffre par 2. Enfin, la
différence n’est plus que de 36 % dans les années 2000. Une chute drastique de
l’impact des traitements au cours du temps.
Une comparaison biaisée ?
Faut-il s’en inquiéter ? Pas forcément, d’après les auteurs,
qui semblent tenir un discours paradoxal. Cette baisse du potentiel
thérapeutique des molécules pourrait s’expliquer par des paramètres rationnels
et être le fruit des progrès de la médecine des dernières décennies.
Premier point : les patients recrutés. D’abord, les essais cliniques des années 1960 ne concernaient souvent que
quelques dizaines de volontaires, contre des milliers dans les études des années
2000. Une différence qui a de quoi biaiser les données. D’autre part, les
participants aux essais récents sont ceux qui n’ont pu être traités avec les médicaments existants, donc atteints d’une forme de la maladie
plus coriace et plus difficile à soigner.
Ensuite, les principes actifs tendraient à avoir une action de
plus en plus spécifique avec le temps. Ceux apparus dans les années 1960
pourraient d’un point de vue global focaliser leur action sur des mécanismes
plus généraux, alors que les nouveaux seraient bien plus ciblés. Ainsi, on ne
compare pas les mêmes paramètres.
Des avancées médicales en passe de se
poursuivre
Le débat a le mérite d’être de nouveau posé. Mais sa
résolution semble bien plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. De
nombreux traitements modernes constituent également des avancées médicales,
comme le Gleevec qui allonge la durée de vie des patients leucémiques, ou
l’Incivek, un antiviral qui soigne deux fois mieux l’hépatite C que ses concurrents plus anciens.
Deux exemples parmi d’autres qui laissent envisager de
nouveaux progrès dans les années à venir contre des maladies toujours mortelles
ou handicapantes. Les scientifiques osent de plus en plus parler de guérison prochaine de l’infection par le VIH, la mortalité des
cancers recule année après année et la médecine régénérative pourrait bien révolutionner la médecine.
De bonnes raisons de rester confiant.
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